J’ai toujours détesté les cours de français, je suis nulle en orthographe, grammaire, commentaire de texte… mais j’ai adoré apprendre des langues étrangères. Alors quand au lycée j’ai eu la possibilité de suivre un cursus me permettant de vraiment apprendre l’Allemand, j’ai sauté sur l’occasion. Et voila comment je me suis retrouvée dans la première promotion de la classe Abibac du lycée Albert Schweitzer (Le Raincy).
Mais bon, il ne fallait pas non plus abuser : faire une filière littéraire…. Jamais ! Et puis quoi encore, moi j’aime le concret : les équations avec des chiffres et des lettres, les calculs d’énergie nécessaire pour monter trois étages et arriver à l’heure en cours. Alors pas question de faire une classe L. Non, moi je prends S. Et puis comme je suis plutôt bonne élève (et complétement masochiste) j’enchaine avec une prépa scientifique suivit d’une école d’ingé généraliste (Centrale Nantes). Alors là, mes profs d’Abibac m’ont regardée et se sont surement dit que je ne me servirais jamais de mon diplôme d’Abibac. Quel gâchis franchement ! Tant d’heures passées à faire ses dissertations d’histoire, à lire des discours de politiciens français… en allemand. Mais aujourd’hui je vais les rassurer. Les écoles d’ingénieur françaises ont ajouté une condition à l’obtention du diplôme d’ingénieur : un séjour à l’étranger ! J’ai bien sûr continué sur la lancée de l’Abibac et je suis partie faire un master dans l’université RWTH à Aix la Chapelle.
Me voici donc arrivée en Allemagne, dans une université avec plus de 30000 étudiants, moi qui viens d’une école d’ingé de 1000 étudiants, je ne vous raconte pas le dépaysement. Un campus divisé en 4, qui se déploie sur toute la ville de Aachen, 60 instituts, et en plus ils ne parlent pas français pour la plupart. Franchement dans la capitale de Charlemagne faut le faire, non ?
Mais bon c’est là que mes années d’Abibac se sont retrouvées très utiles. Discuter, suivre des cours ou participer à des activités en Allemand je l’avais déjà fait, pas de raison de paniquer ! Enfin si, deux raisons : quand le chef d’orchestre donne une indication pour reprendre, que tu la comprends de travers et que c’est toi qui démarres avec un solo au mauvais endroit (grand moment de solitude garanti). Et la deuxième, quand ils se mettent à te donner des documents en anglais et qu’ils te parlent en allemand. Tu paniques, et il te faut trois minutes pour comprendre que le document n’est pas dans la même langue surtout qu’au début ton cerveau n’arrive pas à parler trois langues à la fois. Boire ou conduire, il faut choisir ! Bah ! c’est pareil dans ce cas ; lire ou écouter il faut choisir. J’ai quand même tenu 4 semestres dans cette université en incluant mon Masterarbeit. Et pendant ce temps j’ai enrichi mon vocabulaire allemand de mots techniques et courants, parmi eux se trouvent : Gelenk pour articulation et liaison mécanique, Blech pour la tôle ou les cuivres en musique, Gurt pour l’armature d’un système et pas seulement la ceinture autour, Kran pour la grue et le robinet, la différence entre löten et schweißen. Je peux à présent me vanter de pouvoir apprendre des mots d’allemand à mes anciens profs d’Abibac… Douce revanche sur ce DST où je ne me souvenais plus du mot « Gewaltenteilung » en seconde…
Mais voilà j’arrive à la fin de mes études et je dois chercher un travail. En France ou en Allemagne ? Je m’en moque, il faut juste que le poste me plaise. J’envoie alors ma candidature à une petite entreprise française trouvée par hasard via le réseau de mon école. Mais pour les entretiens physiques c’est un peu compliqué, je ne peux pas trop aller à Paris pendant mon Masterarbeit (et puis ça coute cher je suis étudiante, pas multimillionnaire). La RH me propose donc un entretien à Düsseldorf, vu qu’ils ont une équipe là-bas. Banco, j’y vais ! Pour les entretiens j’ai beaucoup apprécié leur gentillesse quand ils m’ont demandé dans quelle langue je souhaitais faire l’entretien : anglais ou allemand ? en me précisant qu’ils ne parlaient malheureusement pas français. Je leur retournais la question parce qu’après tout pour moi ça ne fait pas de différence, ce sont deux langues étrangères. Et à la suite de deux entretiens, un en Anglais et l’autre en Allemand, j’ai été embauchée. Mais moi j’étais persuadée que j’étais recrutée dans l’équipe de Paris. Quelle surprise quand je reçois mon contrat ; je découvre que je suis recrutée dans l’équipe de Düsseldorf. Bon bah ! le retour pour la francophonie n’est pas pour tout de suite !