Enseigner l’Europe par l’habiter en langues vivantes et en géographie

par Jonathan Gaquère[1],

Loin de s’adresser uniquement aux enseignants d’histoire-géographie, cet article envisage une nouvelle manière d’appréhender l’Europe et propose une complémentarité entre les enseignements de langues vivantes et de géographie, que ce soit en section Abibac, en section européenne ou en en dehors de dispositifs spécifiques.

            A l’occasion du trentième anniversaire de la Chute du Mur de Berlin, universitaires, médias et politiques sont revenus sur l’événement géographique que fut l’ouverture progressive du Rideau de fer. Evénement géographique car il marqua le début d’un processus qui conduisit à l’échelle nationale à la fin de la « question allemande », à l’échelle mondiale à la fin du monde bipolaire et à l’échelle européenne au « continent retrouvé »[2].

            Les années 1990 furent ainsi marquées par de nombreuses publications et réflexions sur la manière de concevoir l’Europe[3]. Parallèlement, des réflexions s’engagèrent sur la manière d’enseigner l’objet géographique européen[4]. Deux décennies plus tard, les publications sont moins nombreuses mais les difficultés pédagogiques demeurent : comment enseigner la délicate question de la géométrie variable de l’Union européenne sans ennuyer les élèves avec le fonctionnement institutionnel ? Comment aborder la question des limites de l’Europe sans tomber dans une géographie conventionnelle faisant la part belle aux continents alors même que les géographes ont démontré que cette notion de continents était une invention européenne sans réalité sociale ou culturelle[5] ? Comment enseigner l’Europe dans la mondialisation ? N’est-elle qu’un chapitre – parmi d’autres – au sein de la mondialisation des territoires ?

La parution du livre de Jacques Lévy Le pays des Européens[6] témoigne à cet égard d’une évolution des réflexions géographiques vis-à-vis de l’Europe et même d’une évolution de la pensée géographique dans son ensemble. Les titres en témoignent. Le raisonnement géographique ne se concentre plus sur l’Europe mais sur les Européens, les « habitants » apparaissent. De fait, un changement de paradigme fut entrepris au début du XXIème s. au sein des géographes français[7]. Désormais, l’attention ne se focalise plus uniquement sur les territoires mais envisage la manière dont les habitants, en se construisant, construisent les territoires. L’Europe devient – elle aussi – un espace vécu. Le territoire cesse de préexister aux habitants. Ce changement de paradigme ouvre de nouvelles pistes de réflexions pédagogiques sur la manière d’enseigner l’Europe. Cet article propose d’enseigner l’Europe à partir de la manière d’habiter l’Europe, à partir des pratiques et des expériences de nos élèves. Il envisage l’Europe comme territoire habité, que ce soit en histoire-géographie, en langues vivantes, en EMC (éducation morale et civique) mais aussi pour les enseignements allemands en géographie ou en PoWi (Politik Wissenschaft). En effet, pour les Européens – et très certainement encore davantage pour nos élèves, l’Europe n’est pas tant un fonctionnement institutionnel, ni un espace inégalement intégré dans la mondialisation mais un territoire habité qui se singularise par une mobilité transnationale spécifique. Les sections Abibac et européennes sont d’ailleurs particulièrement concernées par cette mobilité transnationale. Les élèves de ces sections sont amenés – plus que d’autres – à se déplacer et à rencontrer l’altérité, que ce soit au sein des voyages scolaires, des échanges entre lycées ou dans le cadre des programmes Sauzay et Voltaire. Les enseignants de langues vivantes sont donc autant concernés par cette nouvelle approche que les enseignants de géographie.

Après avoir fait le point sur le concept d’habiter, européanité envisagée comme manière d’habiter le Monde, cet article proposera des pistes de collaboration entre enseignants de langues vivantes et de géographie.

Envisager l’Europe comme une manière singulière d’habiter le Monde

Habiter, un concept fondamental de la géographie contemporaine, centré sur la géographie de chacun et de chacune

Avant d’envisager en quoi la manière d’habiter le Monde singularise l’Europe, un bref rappel permet de cerner les enjeux autour de cette notion. Dans son ouvrage l’homme et la terre, publié en 1952, Eric Dardel, s’appuyant sur la philosophie phénoménologique de Heidegger, orienta sa réflexion géographique sur l’expérience de l’habiter, sur la manière dont les hommes et les femmes habitent leurs territoires. Parmi ces territoires, la région fut au centre des attentions des géographes, notamment avec la parution du livre d’Armant Frémont la région, espace vécu[8]. Déplacer le regard géographique de l’analyse des lieux sur l’analyse de la manière de vivre au sein des territoires fut un changement de paradigme dans l’histoire de la géographie. Avec l’habiter, il ne s’agit plus d’aborder les territoires comme des réalités préalablement existantes aux habitants mais de considérer la manière dont les habitants produisent le territoire.

Au début des années 1990, la croissance des mobilités amena les géographes à réactiver le concept d’habiter[9]. Ce concept permet d’envisager comment chacun et chacune, homme ou femme, jeune ou vieux, riche ou pauvre, pratique et se représente son/ses territoire(s). Pour reprendre la formule d’O. Lazzarotti, il s’agit de considérer comment les habitants et nos élèves « se construisent, en construisant le monde »[10], comment leurs pratiques, les discours et les représentations qui les accompagnent contribuent à façonner les territoires, et réciproquement comment ces territoires influencent leurs pratiques.

La notion d’ « habiter » est apparue dans les programmes scolaires du collège en 2008 et, si la notion d’ « habiter » n’apparaissait pas explicitement dans les programmes du lycée en 2009, l’approche géographique nouvellement introduite permettait d’aborder les thématiques à partir du point de vue de l’habitant[11]. Les lycéens d’aujourd’hui ont donc appris, en sixième, comment les métropoles, les espaces de faible densité, les littoraux et même le Monde étaient habités. Ils ont envisagé en troisième comment la France était habitée. Le concept d’habiter leur est donc familier. Mais la manière d’habiter l’Europe ne l’est pas. Doivent-ils en conclure qu’ils n’habiteraient pas l’Europe et que l’Europe est un territoire qui préexiste aux Européens ? Certainement pas. Mais le régime d’habiter des Européens est plus complexe à saisir…

Que les enseignants de langue vivante ou les enseignants allemands se rassurent. Si la notion d’ « habiter » – peu connue en Allemagne – peut intimider les enseignants, il n’est pas nécessaire de maîtriser les enjeux scientifiques autour de cette notion[12] ni d’expliquer cette notion aux élèves pour les familiariser avec la démarche novatrice sous-jacente.

Avec l’habiter, il s’agit de partir du regard de chacun et de chacune pour comprendre et faire comprendre le Monde, et dans le cadre de cet article, l’Europe. Si Paul Vidal de La Blache pouvait écrire que « la géographie est la science des lieux et non des hommes »[13], Armand Frémont ironisa sur cette attitude négligente vis-à-vis des habitants : « Singulière science au demeurant que cette géographie qui proclame volontiers n’avoir que l’homme comme seul objet d’étude et qui se comporte en castratrice à son égard »[14].  Dès lors, il s’agit, dans nos réflexions et nos enseignements sur l’Europe, de ne pas castrer les Européens… Car l’Europe est, avant tout, un espace vécu. Même s’il ne réemploie pas explicitement le concept d’« habiter », c’est bel et bien en tant que territoire habité que Jacques Lévy propose d’envisager l’Europe, d’où le titre de son ouvrage[15]

Mais l’Europe n’est ni un Etat, ni une nation. Sa géographie est donc autre.

Comprendre « le pays des Européens » nécessite une prise de distance avec les réflexes géographiques nés de l’analyse des Etats et des nations

Pour comprendre la territorialité des Européens, il faut se départir de réflexes nationaux : « à la différence de la France, de l’Estonie, de la Hongrie, du Luxembourg, de la Slovénie, etc., qui sont autant des pays que des Etats, on fait souvent comme s’il n’y avait pas de pays « Europe » (…), au motif que l’Union européenne ne serait pas un Etat (…). L’Union européenne propose, elle, une étaticité spécifique, c’est-à-dire une conception et une pratique de la souveraineté territoriale dont l’Etat, comme institution bien identifiable, ne suffit pas à rendre compte. (…) Il est trompeur de comparer l’UE aux deux types idéaux de l’Etat-nation, le français et l’allemand – d’autant plus que rares sont les Etats-nations à être conformes à ces modèles. Pour rendre compte des structures du territoire européen, il est plus fécond et plus utile de partir de ce qu’il est »[16].

Cette prise de distance par rapport aux territoires classiques des Etats amène en particulier à considérer autrement la question des frontières et des limites de l’Europe. Cette thématique, difficile à enseigner, a pu être le point de commencement de la réflexion géographique sur l’Europe. Après avoir débattu des limites conventionnelles (Oural, Méditerranée, Bosphore, Caucase), les enseignants de géographie ont souvent abordé ensuite la question de la géométrie variable de l’Europe. Ce raisonnement géographique des frontières présente deux inconvénients majeurs. En commençant par les limites du territoire de l’Europe, cela pouvait laisser entendre aux élèves que le territoire européen préexistait aux habitants de l’Europe, aux Européens, qui, finalement, habitaient un territoire parce qu’ils s’y trouvaient et non pas parce qu’ils l’avaient produit. Cela ne les incitait pas à penser l’Europe comme une nouvelle manière d’habiter, comme une nouvelle territorialité dans laquelle ils pouvaient se retrouver. En outre, penser l’Europe demande du temps pour se défaire des réflexes nés de l’habitude d’étudier des territoires nationaux. Or, l’Europe propose une autre territorialité, qui diffère fondamentalement de celles des Etats classiques. Jacques Lévy s’inscrit donc contre la tendance à présenter l’Europe à géométrie variable comme une faiblesse: « l’intérêt des administrations comme de nombreux groupes sociaux pour la conservation des Etats en l’état, ainsi que la force des habitudes, font parler de l’indétermination du territoire européen comme d’une imperfection, d’une malfaçon ou d’un inachèvement, alors qu’il s’agit d’une réalité positive et fonctionnelle, et, partant, d’une énigme singulière qui interroge nos habitudes intellectuelles et nos concepts (…). La frontière du pays européen est logiquement une frontière d’un autre type, d’une autre configuration, que la frontière des Etats territoriaux classiques dont les Etats-nations sont devenus l’espèce exclusive dans la seconde moitié du XXème siècle »[17].

Le Pays des Européens invite donc à considérer l’Europe en délaissant les habitudes liées aux nations pour s’intéresser à la spécificité de la territorialité européenne.

En quoi les Européens se singularisent-ils par leur manière d’habiter ?

Pour comprendre le régime d’habiter des Européens, il ne faut pas partir des frontières de l’Europe mais de ses « habitants », les Européens, et considérer que l’Europe ne leur préexiste pas mais qu’elle résulte de leur manière de vivre. 

Trois caractéristiques peuvent distinguer les Européens dans leur manière de vivre :

  • une pratique : la mobilité transnationale spécifique
  • une représentation du Monde et de l’Autre valorisant la diversité culturelle sans introduire de rapport de domination / hiérarchie entre ces cultures
  • un mode de gestion pacifique de la cohabitation

Une mobilité transnationale spécifique

L’expérience de l’Europe se fait avant tout par le voyage et par la mobilité transnationale. Ce n’est pas un hasard si Le pays des Européens débute par une référence au film de Cédric Klapisch « L’auberge espagnole ». Le programme Erasmus est d’ailleurs le fer de lance de la territorialité européenne. C’est le contact interculturel entre Européens qui crée l’Europe.

Cette mobilité transnationale a plusieurs facteurs d’explications. La croissance des mobilités (vols aériens low cost, carte ferroviaire européenne, mobilité automobile) depuis la fin du XXème siècle[18] est un facteur important mais qui n’est pas spécifique aux Européens. En revanche, aucune autre région du Monde n’est animée par des flux transnationaux aussi importants. Ces flux transnationaux sont tout d’abord la conséquence d’une densité de frontières nationales. Il est beaucoup plus aisé de franchir une frontière nationale en Europe qu’en Amérique du Nord ou en Asie. Et cette précision est d’une importance capitale. Que l’on prenne comme référence l’espace Schengen avec ses 26 Etats sur 4.3 millions de km² ou l’Union européenne avec 28 Etats sur 4.5 millions de km², la densité d’Etats dépasse largement celle de l’Amérique du Nord ou de tout autre continent. A titre de comparaison, le seul territoire des Etats-Unis (9.8 millions de km²) est deux fois plus vaste que celui cumulé des 26 Etats de l’espace Schengen.

L’espace Schengen est donc à la fois la cause mais aussi le résultat d’une mobilité transnationale spécifique. Il convient donc de souligner la densité des frontières en Europe.

Une représentation positive de l’altérité

Il est difficile dans le contexte politique actuel marqué par ce que certains appellent la « crise migratoire » et que d’autres appellent la « crise de l’accueil » de singulariser les Européens par leur représentation positive de l’altérité. C’est pourtant le cas.

Cette représentation positive de l’altérité est, en premier lieu, une conséquence d’une forte diversité culturelle, d’une « diversité dense » (J. Lévy). En Europe, l’Autre – si toutefois il est possible de considérer que celui qui est au-delà de la frontière ou qui partage une autre culture est un Autre – est proche. Le contact avec l’altérité est donc une spécificité des Européens. Sur une superficie réduite, les Européens offrent une diversité de cultures, de religions et de territoires unique au monde. L’Union européenne ne compte ainsi pas moins de 24 langues officielles. Dans l’UE, chaque européen a le droit de s’exprimer et d’être informé dans sa langue. Cette diversité est non seulement respectée mais aussi encouragée et valorisée, notamment par l’adoption par le Conseil de l’Europe (et non par l’Union européenne) de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Ainsi, être européen signifie non seulement respecter, mais favoriser la diversité des cultures.

Le territoire des Européens est donc divers, il n’est pas un – à savoir homogène – mais il est uni par le principe de respect et de défense des diversités. C’est une différence fondamentale avec la création des Etats-nations au XIXème s. qui ont eu pour objectif d’homogénéiser les populations en leur sein. La territorialité des Européens ne vise pas l’homogénéité culturelle mais le respect de la diversité culturelle et l’érige en principe politique.

Ce respect de la diversité culturelle s’inscrit dans un cadre sociétal évolutif où les individus s’affranchissent – certes inégalement mais progressivement – des ancrages communautaires linguistiques, religieux ou territoriaux. J. Lévy montre ainsi comment la société européenne tend vers « une société des individus » (Norbert Elias) où les ancrages communautaires et culturalistes sont moins forts : « Dans la gestion des migrations, c’est en Europe que le couple assimilation (le migrant se conforme aux normes de la société d’accueil) / accomodation (la société d’accueil accepte le migrant tel qu’il est) ouvre le plus efficacement sur un troisième terme, l’intégration. Les résultats de l’Europe sont à certains égards comparables avec les Etats-Unis, qui ont réussi à incorporer à la société de nombreuses vagues d’immigration. Cependant, sur l’ensemble du continent américain, il reste quelque chose de l’origine coloniale de la construction sociale : les habitants les plus anciens (autochtones amérindiens ou esclaves amenés d’Afrique par la force) ont été soit exterminés, soit soumis à une domination féroce dont certains éléments peinent à disparaître. En outre, aux Etats-Unis, la faiblesse des filets de solidarité conduit à faire de la communauté d’origine une ressource de mutualisation du risque et à laisser perdurer des groupes ethnolinguistiques séparés, qui fonctionnent, sur le même territoire, comme des sociétés distinctes. Dans l’ensemble, c’est en Europe que les immigrés peuvent le moins mal maîtriser leur devenir-habitant d’une nouvelle société. C’est la conséquence du fait que l’idée d’un cosmopolitisme intégrant de nouvelles forces sur la base de valeurs partagées est la plus dynamique en Europe »[19].

Cette caractéristique des populations européennes s’inscrit selon J. Lévy dans le temps long. En s’appuyant sur les réflexions de Rémi Brague[20], il fait remonter cette singularité de la curiosité et de l’attirance pour une autre culture que la sienne, à celle des Romains pour la civilisation grecque.

Par cette représentation positive de l’altérité, les Européens se singularisent donc dans leur manière d’habiter. Il ne s’agit pas ici d’adopter une position naïve et de mésestimer les tensions politiques et culturelles qui peuvent émerger en Europe mais de replacer ce débat et ces tensions dans un cadre comparatif qui permet d’ailleurs d’expliquer pourquoi ces débats sont si vifs en Europe. Les élèves ont besoin de repères afin de comprendre les enjeux politiques des débats liés aux mobilités.

« L’important n’est pas de nous convaincre que l’Europe a toujours existé, a des racines, désigne un territoire plus ou moins homogène. Ce sont autant de discours qui hésitent entre mythe et réalité, réinsufflant quelques visions téléologiques dans nos visions du monde (…) »[21]. L’important est de faire comprendre aux élèves que l’Europe n’est pas – ou plus – une idée, un projet mais une réalité qui se caractérise par une certaine manière de vivre le rapport aux autres. Trop souvent, l’Europe est qualifiée de projet. Evoquer l’habiter des Européens permet de dépasser cette rhétorique du projet et de donner des éléments de compréhension aux élèves permettant de relier leur manière de vivre, leur spatialité à l’Europe. Ce faisant, cet enseignement leur permettra de prendre position en tant que citoyen car « [Les notions de diversité et de pluralité] requièrent, dans un même mouvement, de faire également référence à des principes éthiques sans lesquels nous risquons de sombrer dans le relativisme et le communautarisme. L’Europe est, aussi, une dimension où l’identité se conjugue avec citoyenneté »[22].

Cette représentation positive de l’altérité, résumée dans la devise de l’Union européenne « Unie dans la diversité », engage un mode de gouvernance pacifique de la cohabitation, qu’il s’agisse d’une cohabitation entre peuples, entre cultures ou entre territoires.

Une cohabitation pacifique

La troisième caractéristique singularisant la manière d’habiter des Européens est la gestion pacifique de la cohabitation. Les Européens ont collectivement renoncé à l’usage de la force et/ou de la domination dans leurs rapports politiques. Ce renoncement ne fut pas linéaire et ne se fit pas fait sans heurts. L’objectif de cet article n’est pas de revenir sur cette pacification progressive entre Etats mais d’élargir cette pacification à l’échelle intraétatique.

La manière d’habiter des Européens a engendré une gouvernance singulière à l’échelle mondiale fondée sur le principe de complémentarité des territoires. « La construction européenne invente une étaticité multiterritoriale. Il s’agit d’une forme de pouvoir sur le territoire qui n’est plus contenue dans le pouvoir d’Etat, mais dans la capacité des acteurs, y compris étatiques, à se mettre en réseau »[23]. L’Etat n’est plus le seul acteur public décisionnaire. Les villes et les régions sont amenées à devenir des territoires à part entière, aux côtés des Etats et de l’Union européenne. Ces territoires se partagent des responsabilités et mettent en œuvre des politiques publiques communes. Cette gouvernance institutionnelle n’est pas simple à expliquer aux élèves mais cette complexité n’est pas la conséquence d’une faiblesse de l’Europe ou d’une fragilité de la construction européenne mais une conséquence de la manière d’habiter refusant la hiérarchie entre les grands et les petits Etats, entre les cultures nationales et régionales, entre les langues présentes mondialement (anglais, français, espagnol) et les langues exclusivement nationales (letton, slovaque) ou régionales (basque, catalan). Le respect de la diversité culturelle est conditionné par cette gouvernance multiterritoriale.

Reste que les Etats ont des cultures politiques et des héritages historiques divers qui les amènent à plus ou moins bien accepter cette gouvernance multiterritoriale. J. Lévy souligne utilement qu’il a fallu attendre 2014 pour que les régions françaises, suite à une revendication de l’association des régions de France (ARF), puissent gérer elles-mêmes les fonds européens qui leur sont accordés dans la cadre du programme FEDER. D’ailleurs, la République française « une et indivisible » a signé mais n’a pas ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, jugée contraire à l’esprit de la nation française et à l’article premier de la Constitution de la Cinquième République. L’Allemagne a quant à elle signé et ratifié cette charte depuis 1998. L’Etat français a donc plus de réticences que l’Etat allemand a encouragé la diversité dense de cultures.

Les spécificités de la manière d’habiter des Européens ayant été explicitées, il est possible d’envisager quelques pistes de réflexion pédagogiques.

Associer langues vivantes et géographie dans l’enseignement de l’Europe

Ces pistes de réflexion ne sont en rien exhaustives – un article n’y suffirait pas. Elles sont sans doute perfectibles. A vrai dire, elles ne constituent pas l’aboutissement mais l’amorce d’une réflexion.

Pour enseigner l’Europe par l’habiter, la collaboration entres enseignants de langues vivantes et enseignants de géographie[24] est plus que souhaitable, d’autant plus que les nouveaux programmes français de géographie proposent d’aborder, dans le thème 3 consacré aux « mobilités généralisées » (12-14h), une étude de cas sur « les mobilités d’études et de travail intra-européennes ». Les enseignants de langues vivantes exploitent en effet fréquemment l’habiter des élèves – sans pour autant que la démarche soit ainsi formulée.

Prenons un exemple précis. Lorsqu’un élève participe au programme Sauzay (séjour de trois mois dans le pays partenaire, en Allemagne ou en France, puis accueil du correspondant pendant la même durée) ou Voltaire (séjour et accueil de six mois), cette expérience individuelle change sa vision du Monde. C’est une expérience enrichissante qui apporte un nouveau regard sur le pays visité, mais aussi sur sa propre représentation de la culture nationale. Cette expérience spatiale que sont les programmes Sauzay et Voltaire permettent aux élèves de se construire, de construire leur personnalité. Mais cette expérience a aussi des conséquences pour les familles, pour les lycées, éventuellement les clubs de sport qui accueillent pendant plusieurs mois un Français ou un Allemand. La mobilité issue des programmes Voltaire et Sauzay participe donc aussi à construire le Monde. Grâce aux programmes Sauzay et Voltaire les élèves se construisent donc dans la mobilité tout en construisant le Monde. Or, « se construire en construisant le Monde » est la définition même de l’habiter selon O. Lazzarotti[25], qui ne manque pas l’occasion de souligner l’importance du tourisme dans l’habiter : « en quoi être touriste alimente-t-il la dynamique propre de chaque habitant ? Qu’apprend-on en tant que touriste et en quoi ce qui est appris change celui qui apprend ? »[26].

La même réflexion peut être menée lors des voyages collectifs. Ces voyages scolaires, plus courts que les programmes Sauzay et Voltaire, n’en sont pas moins des éléments clés dans la construction de la personnalité des élèves. Et les enseignants de langues vivantes les exploitent systématiquement. Mais apprend-on aux élèves à y voir l’Europe ? Pourtant, très fréquemment, à la fin du printemps, les centres-villes des métropoles régionales (Aix-la-Chapelle, Bruxelles, Lille, Berlin, Cologne, Lyon, etc.) sont animés par des groupes d’élèves britanniques, français, belges, néerlandais, allemands, italiens, espagnols… Ils ont des questionnaires à remplir ou des feuilles de routes à suivre. Ils s’amusent en groupe, tentent parfois maladroitement de poser des questions aux passants. Ces groupes se croisent, certes souvent sans se parler, mais ils se croisent et le fait que ces groupes d’élèves se croisent témoigne de la diversité de nationalités et de cultures, de la diversité dense propre aux Européens.

Dès lors, confrontons nos élèves à cette phrase de Thomas Serrier : « Si « la langue de l’Europe est la traduction » (Umberto Eco), dira-t-on que la frontière de l’Europe c’est la libre-circulation ? »[27]. Thomas Serrier évoque ici à la fois le dépassement des différences cultures nationales dans l’interculturalité, le franchissement de frontières ouvertes aux mobilités, mais aussi l’existence de langues, de cultures et de territoires nationaux. « Unie dans la diversité », la devise de l’Union européenne est pleinement observable dans les mobilités que nous proposons à nos élèves.

Autre exemple envisageable : les villes européennes. Les villes européennes ont certes des points communs avec les villes asiatiques ou nord-américaines. Mais, au sein des villes européennes, le régime spécifique d’habiter des Européens s’exprime pleinement. Les villes européennes proposent des espaces publics plus nombreux. La place de l’automobile y est plus limitée. Les centres historiques y sont notamment beaucoup plus fréquents et jouent un rôle spatial différent des centres-villes des villes américaines. Yves Boyer insiste sur cette singularité[28] mais l’argument historique ne suffit pas à expliquer cette différence : « Certes, le cosmopolitisme n’est pas l’apanage des villes européennes, et l’on pourrait même considérer que les villes nord-américaines en offrent une version plus accomplie. Ce n’est pas tant ici la profondeur historique qui différencie des deux continents que les relations des minorités avec la culture dominante. L’esprit de « communauté » et de développement séparé est sans doute plus marqué aux Etats-Unis qu’en Europe – avec quelques réserves pour la Grande-Bretagne -, où la ville est plus ouverte aux influences réciproques et joue plus le rôle de creuset culturel. Mais l’exaltation du multiculturalisme, comme on l’a fait à propos d’Amsterdam – où plus de 40% de la population communale est d’origine étrangère -, dissimule sans doute aussi une inquiétude face aux tensions interethniques et aux replis communautaires »[29]. Amsterdam revient en effet de manière récurrente comme symbole de la ville européenne. Spinoza souligna d’ailleurs dès le XVIIème s. la forte diversité religieuse et culturelle qu’il y observa : « dans cette ville très éminente, des hommes de toutes nations et de toutes sectes vivent dans la plus parfaite concorde »[30]. Jacques Lévy s’appuya également sur l’exemple amsterdamois pour proposer une théorisation des modèles urbains opposés d’Amsterdam et de Johannesburg[31]. En distinguant l’urbanité relative caractérisant l’intensité des interactions sociales et l’urbanité absolue liée à la taille de l’agglomération, J. Lévy démontre comment les villes européennes ont une urbanité relative plus forte que les villes asiatiques ou nord-américaines dont la taille est souvent plus importante mais, au sein desquelles, les interactions sociales sont plus limitées[32].

Ce constat est également réalisé par nos élèves. Certes, il n’est pas théorisé. Mais nos élèves savent se repérer dans une ville européenne. Les centres-villes se ressemblent, les mobilités aussi. Comment intégrer cela en cours de langues vivantes ? Par exemple, lorsque les enseignants de langues vivantes évoquent les espaces publics et les espaces privés. Certes, ce thème n’a pas pour objectif d’aborder l’européanité. Mais il est difficile d’aborder l’espace public sans prendre en compte les sociétés dans lesquelles ces espaces s’inscrivent. Or, puisque les usages des espaces publics urbains singularisent les Européens, les enseignants de langues vivantes sont amenés, lorsqu’ils abordent l’espace public, à envisager, d’une manière ou d’une autre, l’habiter des Européens.

La manière spécifique d’habiter des Européens (la mobilité transnationale, la représentation positive de la diversité culturelle et nationale, la cohabitation pacifique) est donc pleinement illustrée par les activités pédagogiques organisées – souvent conjointement – par les enseignants de langues vivantes et de géographie. Elle n’est pourtant pas toujours enseignée comme telle. Faisons-en sorte qu’elle le devienne.


[1] Directeur de publication de la Revue Abibac et auteur de l’Europe des Erasmus

[2] Foucher M., Potel JY, 1993, Le continent retrouvé, Paris, Editions de l’Aube, 180 p.

[3] Sans prétendre à l’exhaustivité, citons : Anderson P., Gowan P., 1997, The question of Europe, Verso ; Drevet JF, 1997, La nouvelle identité de l’Europe, Paris, PUF ; Frémont A., 1996, L’Europe entre Maastricht et Sarajevo, Paris, Reclus ; Foucher M., 1998, Fragments d’Europe, Paris, Fayard.

[4] Audigier F., 1995, « Enseigner l’Europe : quelques questions à l’histoire et la géographie scolaires », dans Recherche & Formation, N°18, 1995, Les enseignants et l’Europe, pp. 33-44 ; Elissalde B., 1996, « Enseigner l’Europe » dans L’information géographique, volume 60, n°5, 1996. pp. 210-218.

[5] Grataloup C., 2009, L’invention des continents : comment l’Europe a découpé le monde, Paris, Larousse, 224 p.

[6] Lévy J., 2019, Le Pays des Européens, Paris, Odile Jacob, 223 p. Cet ouvrage accessible au grand public en vue des élections européennes fait suite à un premier ouvrage ciblant un public universitaire : Lévy J., 2004, Europe, Une géographie.

[7] Lazzarotti O., 2006, Habiter. La condition géographique, Belin, 187 p. ; Lazzarotti O., 2014, Habiter le Monde, La documentation photographique, n° 8100

[8] Frémont A., 1976, la région, espace vécu, Paris, Broché.

[9] Lazzarotti O., 2006, Habiter. La condition géographique, Belin, 187 p. ; Lazzarotti O., 2014, Habiter le Monde, La documentation photographique, n° 8100.

[10] Lazzarotti O., 2006, op.cit., p. 5

[11] Biaggi Catherine, « Habiter, concept novateur dans la géographie scolaire ? », Annales de géographie, 2015/4 (N° 704), p. 452-465. DOI : 10.3917/ag.704.0452. URL : https://www.cairn.info/revue-annales-de-geographie-2015-4-page-452.htm

[12] Le site géoconfluence offre une explication synthétique de ces enjeux : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/habiter-habitant

[13] Cité entre autres par Sanguin A.-L., 1993, Vidal de La Blache, un génie de la géographie, Paris, Belin, p. 322

[14] Frémont A., 1999, La région, espace vécu, Paris, Flammarion, p. 85.

[15] Lévy J., 2019, Le Pays des Européens, Paris, Odile Jacob, 223 p.

[16] Lévy J., 2019, Le Pays des Européens, Paris, Odile Jacob, p.67-68.

[17] Lévy J., 2019, Le Pays des Européens, Paris, Odile Jacob, p.68-69

[18] Knafou R., 1998, La planète nomade. Les mobilités géographiques, d’aujourd’hui, Paris, Belin.

[19] Lévy J., 2019, op.cit., p. 39-40

[20] Brague R., 1992, Europe, la voie romaine, Paris, Critérion.

[21] Audigier F., 1995, op.cit., p.42

[22] Audigier F., 1995, op.cit., p.43

[23] Lévy J., 2019, op.cit., p. 77

[24] Les enseignants de français sont enseignants d’histoire-géographie mais ce n’est pas le cas des enseignants allemands. La géographie et l’histoire sont deux disciplines distinctes dans les Länder allemands.

[25] Lazzarotti O., 2006, Habiter. La condition géographique, Belin, p. 5

[26] Olivier Lazzarotti, « Habiter en touriste, c’est habiter le Monde », Mondes du Tourisme [En ligne],

14 | 2018, mis en ligne le 30 juin 2018, consulté le 01 mai 2019. URL : http://journals.openedition.org/

tourisme/1484

[27] Serrier T., 2017, “L’histoire de l’Europe est celle de ses frontières », dans François E., Serrier T. (dir.), 2017, Europa : notre histoire, Paris, Les arènes, p. 749.

[28] Boyer Y., 2003, Les villes européennes, Paris, Hachette.

[29] Boyer Y., 2003, op.cit., p. 163-164.

[30] Spinoza, 1670, Traité théologico-politique, Chap. XX, Par. XV.

[31] Lévy J., 2013, « Modèle urbain » dans Lévy J., Lussault M. (dir.), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Paris, Belin, p. 950-957.

[32] Lévy J., 1999, Europe. Une Géographie, Paris, Hachette, p. 138-139.

Enseigner l’Europe par l’habiter en langues vivantes et en géographie

par Jonathan Gaquère[1],

Loin de s’adresser uniquement aux enseignants d’histoire-géographie, cet article envisage une nouvelle manière d’appréhender l’Europe et propose une complémentarité entre les enseignements de langues vivantes et de géographie, que ce soit en section Abibac, en section européenne ou en en dehors de dispositifs spécifiques.

            A l’occasion du trentième anniversaire de la Chute du Mur de Berlin, universitaires, médias et politiques sont revenus sur l’événement géographique que fut l’ouverture progressive du Rideau de fer. Evénement géographique car il marqua le début d’un processus qui conduisit à l’échelle nationale à la fin de la « question allemande », à l’échelle mondiale à la fin du monde bipolaire et à l’échelle européenne au « continent retrouvé »[2].

            Les années 1990 furent ainsi marquées par de nombreuses publications et réflexions sur la manière de concevoir l’Europe[3]. Parallèlement, des réflexions s’engagèrent sur la manière d’enseigner l’objet géographique européen[4]. Deux décennies plus tard, les publications sont moins nombreuses mais les difficultés pédagogiques demeurent : comment enseigner la délicate question de la géométrie variable de l’Union européenne sans ennuyer les élèves avec le fonctionnement institutionnel ? Comment aborder la question des limites de l’Europe sans tomber dans une géographie conventionnelle faisant la part belle aux continents alors même que les géographes ont démontré que cette notion de continents était une invention européenne sans réalité sociale ou culturelle[5] ? Comment enseigner l’Europe dans la mondialisation ? N’est-elle qu’un chapitre – parmi d’autres – au sein de la mondialisation des territoires ?

La parution du livre de Jacques Lévy Le pays des Européens[6] témoigne à cet égard d’une évolution des réflexions géographiques vis-à-vis de l’Europe et même d’une évolution de la pensée géographique dans son ensemble. Les titres en témoignent. Le raisonnement géographique ne se concentre plus sur l’Europe mais sur les Européens, les « habitants » apparaissent. De fait, un changement de paradigme fut entrepris au début du XXIème s. au sein des géographes français[7]. Désormais, l’attention ne se focalise plus uniquement sur les territoires mais envisage la manière dont les habitants, en se construisant, construisent les territoires. L’Europe devient – elle aussi – un espace vécu. Le territoire cesse de préexister aux habitants. Ce changement de paradigme ouvre de nouvelles pistes de réflexions pédagogiques sur la manière d’enseigner l’Europe. Cet article propose d’enseigner l’Europe à partir de la manière d’habiter l’Europe, à partir des pratiques et des expériences de nos élèves. Il envisage l’Europe comme territoire habité, que ce soit en histoire-géographie, en langues vivantes, en EMC (éducation morale et civique) mais aussi pour les enseignements allemands en géographie ou en PoWi (Politik Wissenschaft). En effet, pour les Européens – et très certainement encore davantage pour nos élèves, l’Europe n’est pas tant un fonctionnement institutionnel, ni un espace inégalement intégré dans la mondialisation mais un territoire habité qui se singularise par une mobilité transnationale spécifique. Les sections Abibac et européennes sont d’ailleurs particulièrement concernées par cette mobilité transnationale. Les élèves de ces sections sont amenés – plus que d’autres – à se déplacer et à rencontrer l’altérité, que ce soit au sein des voyages scolaires, des échanges entre lycées ou dans le cadre des programmes Sauzay et Voltaire. Les enseignants de langues vivantes sont donc autant concernés par cette nouvelle approche que les enseignants de géographie.

Après avoir fait le point sur le concept d’habiter, européanité envisagée comme manière d’habiter le Monde, cet article proposera des pistes de collaboration entre enseignants de langues vivantes et de géographie.

Envisager l’Europe comme une manière singulière d’habiter le Monde

Habiter, un concept fondamental de la géographie contemporaine, centré sur la géographie de chacun et de chacune

Avant d’envisager en quoi la manière d’habiter le Monde singularise l’Europe, un bref rappel permet de cerner les enjeux autour de cette notion. Dans son ouvrage l’homme et la terre, publié en 1952, Eric Dardel, s’appuyant sur la philosophie phénoménologique de Heidegger, orienta sa réflexion géographique sur l’expérience de l’habiter, sur la manière dont les hommes et les femmes habitent leurs territoires. Parmi ces territoires, la région fut au centre des attentions des géographes, notamment avec la parution du livre d’Armant Frémont la région, espace vécu[8]. Déplacer le regard géographique de l’analyse des lieux sur l’analyse de la manière de vivre au sein des territoires fut un changement de paradigme dans l’histoire de la géographie. Avec l’habiter, il ne s’agit plus d’aborder les territoires comme des réalités préalablement existantes aux habitants mais de considérer la manière dont les habitants produisent le territoire.

Au début des années 1990, la croissance des mobilités amena les géographes à réactiver le concept d’habiter[9]. Ce concept permet d’envisager comment chacun et chacune, homme ou femme, jeune ou vieux, riche ou pauvre, pratique et se représente son/ses territoire(s). Pour reprendre la formule d’O. Lazzarotti, il s’agit de considérer comment les habitants et nos élèves « se construisent, en construisant le monde »[10], comment leurs pratiques, les discours et les représentations qui les accompagnent contribuent à façonner les territoires, et réciproquement comment ces territoires influencent leurs pratiques.

La notion d’ « habiter » est apparue dans les programmes scolaires du collège en 2008 et, si la notion d’ « habiter » n’apparaissait pas explicitement dans les programmes du lycée en 2009, l’approche géographique nouvellement introduite permettait d’aborder les thématiques à partir du point de vue de l’habitant[11]. Les lycéens d’aujourd’hui ont donc appris, en sixième, comment les métropoles, les espaces de faible densité, les littoraux et même le Monde étaient habités. Ils ont envisagé en troisième comment la France était habitée. Le concept d’habiter leur est donc familier. Mais la manière d’habiter l’Europe ne l’est pas. Doivent-ils en conclure qu’ils n’habiteraient pas l’Europe et que l’Europe est un territoire qui préexiste aux Européens ? Certainement pas. Mais le régime d’habiter des Européens est plus complexe à saisir…

Que les enseignants de langue vivante ou les enseignants allemands se rassurent. Si la notion d’ « habiter » – peu connue en Allemagne – peut intimider les enseignants, il n’est pas nécessaire de maîtriser les enjeux scientifiques autour de cette notion[12] ni d’expliquer cette notion aux élèves pour les familiariser avec la démarche novatrice sous-jacente.

Avec l’habiter, il s’agit de partir du regard de chacun et de chacune pour comprendre et faire comprendre le Monde, et dans le cadre de cet article, l’Europe. Si Paul Vidal de La Blache pouvait écrire que « la géographie est la science des lieux et non des hommes »[13], Armand Frémont ironisa sur cette attitude négligente vis-à-vis des habitants : « Singulière science au demeurant que cette géographie qui proclame volontiers n’avoir que l’homme comme seul objet d’étude et qui se comporte en castratrice à son égard »[14].  Dès lors, il s’agit, dans nos réflexions et nos enseignements sur l’Europe, de ne pas castrer les Européens… Car l’Europe est, avant tout, un espace vécu. Même s’il ne réemploie pas explicitement le concept d’« habiter », c’est bel et bien en tant que territoire habité que Jacques Lévy propose d’envisager l’Europe, d’où le titre de son ouvrage[15]

Mais l’Europe n’est ni un Etat, ni une nation. Sa géographie est donc autre.

Comprendre « le pays des Européens » nécessite une prise de distance avec les réflexes géographiques nés de l’analyse des Etats et des nations

Pour comprendre la territorialité des Européens, il faut se départir de réflexes nationaux : « à la différence de la France, de l’Estonie, de la Hongrie, du Luxembourg, de la Slovénie, etc., qui sont autant des pays que des Etats, on fait souvent comme s’il n’y avait pas de pays « Europe » (…), au motif que l’Union européenne ne serait pas un Etat (…). L’Union européenne propose, elle, une étaticité spécifique, c’est-à-dire une conception et une pratique de la souveraineté territoriale dont l’Etat, comme institution bien identifiable, ne suffit pas à rendre compte. (…) Il est trompeur de comparer l’UE aux deux types idéaux de l’Etat-nation, le français et l’allemand – d’autant plus que rares sont les Etats-nations à être conformes à ces modèles. Pour rendre compte des structures du territoire européen, il est plus fécond et plus utile de partir de ce qu’il est »[16].

Cette prise de distance par rapport aux territoires classiques des Etats amène en particulier à considérer autrement la question des frontières et des limites de l’Europe. Cette thématique, difficile à enseigner, a pu être le point de commencement de la réflexion géographique sur l’Europe. Après avoir débattu des limites conventionnelles (Oural, Méditerranée, Bosphore, Caucase), les enseignants de géographie ont souvent abordé ensuite la question de la géométrie variable de l’Europe. Ce raisonnement géographique des frontières présente deux inconvénients majeurs. En commençant par les limites du territoire de l’Europe, cela pouvait laisser entendre aux élèves que le territoire européen préexistait aux habitants de l’Europe, aux Européens, qui, finalement, habitaient un territoire parce qu’ils s’y trouvaient et non pas parce qu’ils l’avaient produit. Cela ne les incitait pas à penser l’Europe comme une nouvelle manière d’habiter, comme une nouvelle territorialité dans laquelle ils pouvaient se retrouver. En outre, penser l’Europe demande du temps pour se défaire des réflexes nés de l’habitude d’étudier des territoires nationaux. Or, l’Europe propose une autre territorialité, qui diffère fondamentalement de celles des Etats classiques. Jacques Lévy s’inscrit donc contre la tendance à présenter l’Europe à géométrie variable comme une faiblesse: « l’intérêt des administrations comme de nombreux groupes sociaux pour la conservation des Etats en l’état, ainsi que la force des habitudes, font parler de l’indétermination du territoire européen comme d’une imperfection, d’une malfaçon ou d’un inachèvement, alors qu’il s’agit d’une réalité positive et fonctionnelle, et, partant, d’une énigme singulière qui interroge nos habitudes intellectuelles et nos concepts (…). La frontière du pays européen est logiquement une frontière d’un autre type, d’une autre configuration, que la frontière des Etats territoriaux classiques dont les Etats-nations sont devenus l’espèce exclusive dans la seconde moitié du XXème siècle »[17].

Le Pays des Européens invite donc à considérer l’Europe en délaissant les habitudes liées aux nations pour s’intéresser à la spécificité de la territorialité européenne.

En quoi les Européens se singularisent-ils par leur manière d’habiter ?

Pour comprendre le régime d’habiter des Européens, il ne faut pas partir des frontières de l’Europe mais de ses « habitants », les Européens, et considérer que l’Europe ne leur préexiste pas mais qu’elle résulte de leur manière de vivre. 

Trois caractéristiques peuvent distinguer les Européens dans leur manière de vivre :

  • une pratique : la mobilité transnationale spécifique
  • une représentation du Monde et de l’Autre valorisant la diversité culturelle sans introduire de rapport de domination / hiérarchie entre ces cultures
  • un mode de gestion pacifique de la cohabitation

Une mobilité transnationale spécifique

L’expérience de l’Europe se fait avant tout par le voyage et par la mobilité transnationale. Ce n’est pas un hasard si Le pays des Européens débute par une référence au film de Cédric Klapisch « L’auberge espagnole ». Le programme Erasmus est d’ailleurs le fer de lance de la territorialité européenne. C’est le contact interculturel entre Européens qui crée l’Europe.

Cette mobilité transnationale a plusieurs facteurs d’explications. La croissance des mobilités (vols aériens low cost, carte ferroviaire européenne, mobilité automobile) depuis la fin du XXème siècle[18] est un facteur important mais qui n’est pas spécifique aux Européens. En revanche, aucune autre région du Monde n’est animée par des flux transnationaux aussi importants. Ces flux transnationaux sont tout d’abord la conséquence d’une densité de frontières nationales. Il est beaucoup plus aisé de franchir une frontière nationale en Europe qu’en Amérique du Nord ou en Asie. Et cette précision est d’une importance capitale. Que l’on prenne comme référence l’espace Schengen avec ses 26 Etats sur 4.3 millions de km² ou l’Union européenne avec 28 Etats sur 4.5 millions de km², la densité d’Etats dépasse largement celle de l’Amérique du Nord ou de tout autre continent. A titre de comparaison, le seul territoire des Etats-Unis (9.8 millions de km²) est deux fois plus vaste que celui cumulé des 26 Etats de l’espace Schengen.

L’espace Schengen est donc à la fois la cause mais aussi le résultat d’une mobilité transnationale spécifique. Il convient donc de souligner la densité des frontières en Europe.

Une représentation positive de l’altérité

Il est difficile dans le contexte politique actuel marqué par ce que certains appellent la « crise migratoire » et que d’autres appellent la « crise de l’accueil » de singulariser les Européens par leur représentation positive de l’altérité. C’est pourtant le cas.

Cette représentation positive de l’altérité est, en premier lieu, une conséquence d’une forte diversité culturelle, d’une « diversité dense » (J. Lévy). En Europe, l’Autre – si toutefois il est possible de considérer que celui qui est au-delà de la frontière ou qui partage une autre culture est un Autre – est proche. Le contact avec l’altérité est donc une spécificité des Européens. Sur une superficie réduite, les Européens offrent une diversité de cultures, de religions et de territoires unique au monde. L’Union européenne ne compte ainsi pas moins de 24 langues officielles. Dans l’UE, chaque européen a le droit de s’exprimer et d’être informé dans sa langue. Cette diversité est non seulement respectée mais aussi encouragée et valorisée, notamment par l’adoption par le Conseil de l’Europe (et non par l’Union européenne) de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Ainsi, être européen signifie non seulement respecter, mais favoriser la diversité des cultures.

Le territoire des Européens est donc divers, il n’est pas un – à savoir homogène – mais il est uni par le principe de respect et de défense des diversités. C’est une différence fondamentale avec la création des Etats-nations au XIXème s. qui ont eu pour objectif d’homogénéiser les populations en leur sein. La territorialité des Européens ne vise pas l’homogénéité culturelle mais le respect de la diversité culturelle et l’érige en principe politique.

Ce respect de la diversité culturelle s’inscrit dans un cadre sociétal évolutif où les individus s’affranchissent – certes inégalement mais progressivement – des ancrages communautaires linguistiques, religieux ou territoriaux. J. Lévy montre ainsi comment la société européenne tend vers « une société des individus » (Norbert Elias) où les ancrages communautaires et culturalistes sont moins forts : « Dans la gestion des migrations, c’est en Europe que le couple assimilation (le migrant se conforme aux normes de la société d’accueil) / accomodation (la société d’accueil accepte le migrant tel qu’il est) ouvre le plus efficacement sur un troisième terme, l’intégration. Les résultats de l’Europe sont à certains égards comparables avec les Etats-Unis, qui ont réussi à incorporer à la société de nombreuses vagues d’immigration. Cependant, sur l’ensemble du continent américain, il reste quelque chose de l’origine coloniale de la construction sociale : les habitants les plus anciens (autochtones amérindiens ou esclaves amenés d’Afrique par la force) ont été soit exterminés, soit soumis à une domination féroce dont certains éléments peinent à disparaître. En outre, aux Etats-Unis, la faiblesse des filets de solidarité conduit à faire de la communauté d’origine une ressource de mutualisation du risque et à laisser perdurer des groupes ethnolinguistiques séparés, qui fonctionnent, sur le même territoire, comme des sociétés distinctes. Dans l’ensemble, c’est en Europe que les immigrés peuvent le moins mal maîtriser leur devenir-habitant d’une nouvelle société. C’est la conséquence du fait que l’idée d’un cosmopolitisme intégrant de nouvelles forces sur la base de valeurs partagées est la plus dynamique en Europe »[19].

Cette caractéristique des populations européennes s’inscrit selon J. Lévy dans le temps long. En s’appuyant sur les réflexions de Rémi Brague[20], il fait remonter cette singularité de la curiosité et de l’attirance pour une autre culture que la sienne, à celle des Romains pour la civilisation grecque.

Par cette représentation positive de l’altérité, les Européens se singularisent donc dans leur manière d’habiter. Il ne s’agit pas ici d’adopter une position naïve et de mésestimer les tensions politiques et culturelles qui peuvent émerger en Europe mais de replacer ce débat et ces tensions dans un cadre comparatif qui permet d’ailleurs d’expliquer pourquoi ces débats sont si vifs en Europe. Les élèves ont besoin de repères afin de comprendre les enjeux politiques des débats liés aux mobilités.

« L’important n’est pas de nous convaincre que l’Europe a toujours existé, a des racines, désigne un territoire plus ou moins homogène. Ce sont autant de discours qui hésitent entre mythe et réalité, réinsufflant quelques visions téléologiques dans nos visions du monde (…) »[21]. L’important est de faire comprendre aux élèves que l’Europe n’est pas – ou plus – une idée, un projet mais une réalité qui se caractérise par une certaine manière de vivre le rapport aux autres. Trop souvent, l’Europe est qualifiée de projet. Evoquer l’habiter des Européens permet de dépasser cette rhétorique du projet et de donner des éléments de compréhension aux élèves permettant de relier leur manière de vivre, leur spatialité à l’Europe. Ce faisant, cet enseignement leur permettra de prendre position en tant que citoyen car « [Les notions de diversité et de pluralité] requièrent, dans un même mouvement, de faire également référence à des principes éthiques sans lesquels nous risquons de sombrer dans le relativisme et le communautarisme. L’Europe est, aussi, une dimension où l’identité se conjugue avec citoyenneté »[22].

Cette représentation positive de l’altérité, résumée dans la devise de l’Union européenne « Unie dans la diversité », engage un mode de gouvernance pacifique de la cohabitation, qu’il s’agisse d’une cohabitation entre peuples, entre cultures ou entre territoires.

Une cohabitation pacifique

La troisième caractéristique singularisant la manière d’habiter des Européens est la gestion pacifique de la cohabitation. Les Européens ont collectivement renoncé à l’usage de la force et/ou de la domination dans leurs rapports politiques. Ce renoncement ne fut pas linéaire et ne se fit pas fait sans heurts. L’objectif de cet article n’est pas de revenir sur cette pacification progressive entre Etats mais d’élargir cette pacification à l’échelle intraétatique.

La manière d’habiter des Européens a engendré une gouvernance singulière à l’échelle mondiale fondée sur le principe de complémentarité des territoires. « La construction européenne invente une étaticité multiterritoriale. Il s’agit d’une forme de pouvoir sur le territoire qui n’est plus contenue dans le pouvoir d’Etat, mais dans la capacité des acteurs, y compris étatiques, à se mettre en réseau »[23]. L’Etat n’est plus le seul acteur public décisionnaire. Les villes et les régions sont amenées à devenir des territoires à part entière, aux côtés des Etats et de l’Union européenne. Ces territoires se partagent des responsabilités et mettent en œuvre des politiques publiques communes. Cette gouvernance institutionnelle n’est pas simple à expliquer aux élèves mais cette complexité n’est pas la conséquence d’une faiblesse de l’Europe ou d’une fragilité de la construction européenne mais une conséquence de la manière d’habiter refusant la hiérarchie entre les grands et les petits Etats, entre les cultures nationales et régionales, entre les langues présentes mondialement (anglais, français, espagnol) et les langues exclusivement nationales (letton, slovaque) ou régionales (basque, catalan). Le respect de la diversité culturelle est conditionné par cette gouvernance multiterritoriale.

Reste que les Etats ont des cultures politiques et des héritages historiques divers qui les amènent à plus ou moins bien accepter cette gouvernance multiterritoriale. J. Lévy souligne utilement qu’il a fallu attendre 2014 pour que les régions françaises, suite à une revendication de l’association des régions de France (ARF), puissent gérer elles-mêmes les fonds européens qui leur sont accordés dans la cadre du programme FEDER. D’ailleurs, la République française « une et indivisible » a signé mais n’a pas ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, jugée contraire à l’esprit de la nation française et à l’article premier de la Constitution de la Cinquième République. L’Allemagne a quant à elle signé et ratifié cette charte depuis 1998. L’Etat français a donc plus de réticences que l’Etat allemand a encouragé la diversité dense de cultures.

Les spécificités de la manière d’habiter des Européens ayant été explicitées, il est possible d’envisager quelques pistes de réflexion pédagogiques.

Associer langues vivantes et géographie dans l’enseignement de l’Europe

Ces pistes de réflexion ne sont en rien exhaustives – un article n’y suffirait pas. Elles sont sans doute perfectibles. A vrai dire, elles ne constituent pas l’aboutissement mais l’amorce d’une réflexion.

Pour enseigner l’Europe par l’habiter, la collaboration entres enseignants de langues vivantes et enseignants de géographie[24] est plus que souhaitable, d’autant plus que les nouveaux programmes français de géographie proposent d’aborder, dans le thème 3 consacré aux « mobilités généralisées » (12-14h), une étude de cas sur « les mobilités d’études et de travail intra-européennes ». Les enseignants de langues vivantes exploitent en effet fréquemment l’habiter des élèves – sans pour autant que la démarche soit ainsi formulée.

Prenons un exemple précis. Lorsqu’un élève participe au programme Sauzay (séjour de trois mois dans le pays partenaire, en Allemagne ou en France, puis accueil du correspondant pendant la même durée) ou Voltaire (séjour et accueil de six mois), cette expérience individuelle change sa vision du Monde. C’est une expérience enrichissante qui apporte un nouveau regard sur le pays visité, mais aussi sur sa propre représentation de la culture nationale. Cette expérience spatiale que sont les programmes Sauzay et Voltaire permettent aux élèves de se construire, de construire leur personnalité. Mais cette expérience a aussi des conséquences pour les familles, pour les lycées, éventuellement les clubs de sport qui accueillent pendant plusieurs mois un Français ou un Allemand. La mobilité issue des programmes Voltaire et Sauzay participe donc aussi à construire le Monde. Grâce aux programmes Sauzay et Voltaire les élèves se construisent donc dans la mobilité tout en construisant le Monde. Or, « se construire en construisant le Monde » est la définition même de l’habiter selon O. Lazzarotti[25], qui ne manque pas l’occasion de souligner l’importance du tourisme dans l’habiter : « en quoi être touriste alimente-t-il la dynamique propre de chaque habitant ? Qu’apprend-on en tant que touriste et en quoi ce qui est appris change celui qui apprend ? »[26].

La même réflexion peut être menée lors des voyages collectifs. Ces voyages scolaires, plus courts que les programmes Sauzay et Voltaire, n’en sont pas moins des éléments clés dans la construction de la personnalité des élèves. Et les enseignants de langues vivantes les exploitent systématiquement. Mais apprend-on aux élèves à y voir l’Europe ? Pourtant, très fréquemment, à la fin du printemps, les centres-villes des métropoles régionales (Aix-la-Chapelle, Bruxelles, Lille, Berlin, Cologne, Lyon, etc.) sont animés par des groupes d’élèves britanniques, français, belges, néerlandais, allemands, italiens, espagnols… Ils ont des questionnaires à remplir ou des feuilles de routes à suivre. Ils s’amusent en groupe, tentent parfois maladroitement de poser des questions aux passants. Ces groupes se croisent, certes souvent sans se parler, mais ils se croisent et le fait que ces groupes d’élèves se croisent témoigne de la diversité de nationalités et de cultures, de la diversité dense propre aux Européens.

Dès lors, confrontons nos élèves à cette phrase de Thomas Serrier : « Si « la langue de l’Europe est la traduction » (Umberto Eco), dira-t-on que la frontière de l’Europe c’est la libre-circulation ? »[27]. Thomas Serrier évoque ici à la fois le dépassement des différences cultures nationales dans l’interculturalité, le franchissement de frontières ouvertes aux mobilités, mais aussi l’existence de langues, de cultures et de territoires nationaux. « Unie dans la diversité », la devise de l’Union européenne est pleinement observable dans les mobilités que nous proposons à nos élèves.

Autre exemple envisageable : les villes européennes. Les villes européennes ont certes des points communs avec les villes asiatiques ou nord-américaines. Mais, au sein des villes européennes, le régime spécifique d’habiter des Européens s’exprime pleinement. Les villes européennes proposent des espaces publics plus nombreux. La place de l’automobile y est plus limitée. Les centres historiques y sont notamment beaucoup plus fréquents et jouent un rôle spatial différent des centres-villes des villes américaines. Yves Boyer insiste sur cette singularité[28] mais l’argument historique ne suffit pas à expliquer cette différence : « Certes, le cosmopolitisme n’est pas l’apanage des villes européennes, et l’on pourrait même considérer que les villes nord-américaines en offrent une version plus accomplie. Ce n’est pas tant ici la profondeur historique qui différencie des deux continents que les relations des minorités avec la culture dominante. L’esprit de « communauté » et de développement séparé est sans doute plus marqué aux Etats-Unis qu’en Europe – avec quelques réserves pour la Grande-Bretagne -, où la ville est plus ouverte aux influences réciproques et joue plus le rôle de creuset culturel. Mais l’exaltation du multiculturalisme, comme on l’a fait à propos d’Amsterdam – où plus de 40% de la population communale est d’origine étrangère -, dissimule sans doute aussi une inquiétude face aux tensions interethniques et aux replis communautaires »[29]. Amsterdam revient en effet de manière récurrente comme symbole de la ville européenne. Spinoza souligna d’ailleurs dès le XVIIème s. la forte diversité religieuse et culturelle qu’il y observa : « dans cette ville très éminente, des hommes de toutes nations et de toutes sectes vivent dans la plus parfaite concorde »[30]. Jacques Lévy s’appuya également sur l’exemple amsterdamois pour proposer une théorisation des modèles urbains opposés d’Amsterdam et de Johannesburg[31]. En distinguant l’urbanité relative caractérisant l’intensité des interactions sociales et l’urbanité absolue liée à la taille de l’agglomération, J. Lévy démontre comment les villes européennes ont une urbanité relative plus forte que les villes asiatiques ou nord-américaines dont la taille est souvent plus importante mais, au sein desquelles, les interactions sociales sont plus limitées[32].

Ce constat est également réalisé par nos élèves. Certes, il n’est pas théorisé. Mais nos élèves savent se repérer dans une ville européenne. Les centres-villes se ressemblent, les mobilités aussi. Comment intégrer cela en cours de langues vivantes ? Par exemple, lorsque les enseignants de langues vivantes évoquent les espaces publics et les espaces privés. Certes, ce thème n’a pas pour objectif d’aborder l’européanité. Mais il est difficile d’aborder l’espace public sans prendre en compte les sociétés dans lesquelles ces espaces s’inscrivent. Or, puisque les usages des espaces publics urbains singularisent les Européens, les enseignants de langues vivantes sont amenés, lorsqu’ils abordent l’espace public, à envisager, d’une manière ou d’une autre, l’habiter des Européens.

La manière spécifique d’habiter des Européens (la mobilité transnationale, la représentation positive de la diversité culturelle et nationale, la cohabitation pacifique) est donc pleinement illustrée par les activités pédagogiques organisées – souvent conjointement – par les enseignants de langues vivantes et de géographie. Elle n’est pourtant pas toujours enseignée comme telle. Faisons-en sorte qu’elle le devienne.


[1] Directeur de publication de la Revue Abibac et auteur de l’Europe des Erasmus

[2] Foucher M., Potel JY, 1993, Le continent retrouvé, Paris, Editions de l’Aube, 180 p.

[3] Sans prétendre à l’exhaustivité, citons : Anderson P., Gowan P., 1997, The question of Europe, Verso ; Drevet JF, 1997, La nouvelle identité de l’Europe, Paris, PUF ; Frémont A., 1996, L’Europe entre Maastricht et Sarajevo, Paris, Reclus ; Foucher M., 1998, Fragments d’Europe, Paris, Fayard.

[4] Audigier F., 1995, « Enseigner l’Europe : quelques questions à l’histoire et la géographie scolaires », dans Recherche & Formation, N°18, 1995, Les enseignants et l’Europe, pp. 33-44 ; Elissalde B., 1996, « Enseigner l’Europe » dans L’information géographique, volume 60, n°5, 1996. pp. 210-218.

[5] Grataloup C., 2009, L’invention des continents : comment l’Europe a découpé le monde, Paris, Larousse, 224 p.

[6] Lévy J., 2019, Le Pays des Européens, Paris, Odile Jacob, 223 p. Cet ouvrage accessible au grand public en vue des élections européennes fait suite à un premier ouvrage ciblant un public universitaire : Lévy J., 2004, Europe, Une géographie.

[7] Lazzarotti O., 2006, Habiter. La condition géographique, Belin, 187 p. ; Lazzarotti O., 2014, Habiter le Monde, La documentation photographique, n° 8100

[8] Frémont A., 1976, la région, espace vécu, Paris, Broché.

[9] Lazzarotti O., 2006, Habiter. La condition géographique, Belin, 187 p. ; Lazzarotti O., 2014, Habiter le Monde, La documentation photographique, n° 8100.

[10] Lazzarotti O., 2006, op.cit., p. 5

[11] Biaggi Catherine, « Habiter, concept novateur dans la géographie scolaire ? », Annales de géographie, 2015/4 (N° 704), p. 452-465. DOI : 10.3917/ag.704.0452. URL : https://www.cairn.info/revue-annales-de-geographie-2015-4-page-452.htm

[12] Le site géoconfluence offre une explication synthétique de ces enjeux : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/habiter-habitant

[13] Cité entre autres par Sanguin A.-L., 1993, Vidal de La Blache, un génie de la géographie, Paris, Belin, p. 322

[14] Frémont A., 1999, La région, espace vécu, Paris, Flammarion, p. 85.

[15] Lévy J., 2019, Le Pays des Européens, Paris, Odile Jacob, 223 p.

[16] Lévy J., 2019, Le Pays des Européens, Paris, Odile Jacob, p.67-68.

[17] Lévy J., 2019, Le Pays des Européens, Paris, Odile Jacob, p.68-69

[18] Knafou R., 1998, La planète nomade. Les mobilités géographiques, d’aujourd’hui, Paris, Belin.

[19] Lévy J., 2019, op.cit., p. 39-40

[20] Brague R., 1992, Europe, la voie romaine, Paris, Critérion.

[21] Audigier F., 1995, op.cit., p.42

[22] Audigier F., 1995, op.cit., p.43

[23] Lévy J., 2019, op.cit., p. 77

[24] Les enseignants de français sont enseignants d’histoire-géographie mais ce n’est pas le cas des enseignants allemands. La géographie et l’histoire sont deux disciplines distinctes dans les Länder allemands.

[25] Lazzarotti O., 2006, Habiter. La condition géographique, Belin, p. 5

[26] Olivier Lazzarotti, « Habiter en touriste, c’est habiter le Monde », Mondes du Tourisme [En ligne],

14 | 2018, mis en ligne le 30 juin 2018, consulté le 01 mai 2019. URL : http://journals.openedition.org/

tourisme/1484

[27] Serrier T., 2017, “L’histoire de l’Europe est celle de ses frontières », dans François E., Serrier T. (dir.), 2017, Europa : notre histoire, Paris, Les arènes, p. 749.

[28] Boyer Y., 2003, Les villes européennes, Paris, Hachette.

[29] Boyer Y., 2003, op.cit., p. 163-164.

[30] Spinoza, 1670, Traité théologico-politique, Chap. XX, Par. XV.

[31] Lévy J., 2013, « Modèle urbain » dans Lévy J., Lussault M. (dir.), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Paris, Belin, p. 950-957.

[32] Lévy J., 1999, Europe. Une Géographie, Paris, Hachette, p. 138-139.

Das Gute liegt so nah! Niederländisch-Deutsch vs. Deutsch-Französisch als Nachbarsprachen

par Florian Niehaus[1]

D’après la tournure allemande „Warum in die Ferne schweifen, wenn das Gute liegt so nah“: Pourquoi chercher loin ce que l’on peut avoir si près ?

Du point de vue scolaire, le couple linguistique allemand-néerlandais est (au moins du côté allemand) une jeune plante, comparé au vénérable tandem franco-allemand. Il y a, certainement, plusieurs raisons pour cela : d’anciennes traditions tout comme des tendances récentes, mais c’est surtout aussi une question de prestige. Ceci n’est guère compréhensible, aussi bien d’une perspective économique que sous l’aspect didactique. L’immédiate proximité géographique, mais surtout la parenté linguistique devrait être un fort argument pour le renforcement de l’apprentissage des deux langues voisines.

Ungleiche Paare und große Potenziale

Das Sprachenpaar Niederländisch-Deutsch ist aus schulischer Sicht ein zartes und (zumindest auf deutscher Seite) ein vergleichsweise junges Pflänzchen, wenn man es mit dem altehrwürdigen Tandem aus deutscher und französischer Sprache vergleicht. Das hat sicherlich eine ganze Reihe von Gründen: Dabei spielen lange Traditionen ebenso eine Rolle wie jüngere Trends, nicht zuletzt sicher aber vor allem auch Prestigefragen. Aus ökonomischer, v.a. aber aus sprachdidaktischer Sicht ist das wenig verständlich. In beiderlei Hinsicht ist die direkte geografische, aber insbesondere auch die linguistische Nachbarschaft ein gewichtiges Argument.

Ringen um „Marktanteile“: starke Tradition, schwere Gegenwart

Das alles gilt auch und gerade für bilinguale Unterrichtsangebote. Nur um es sich noch einmal vor Augen zu führen: Deutsch-französisch bilingualer Unterricht ist in Deutschland vor ziemlich genau 50 Jahren – in der Folge des Elysée-Vertrags – aus politischen Motiven geboren, lange bevor Mehrsprachigkeit selbstverständlich schien und Englisch die klar dominierende Mediensprache war. Traditionell war und ist die französische Sprache besonders prominent in den Grenzregionen der beiden Länder – Rheinschiene, Saarland – vertreten. Dort gibt es bilinguale Angebote häufig sogar bereits in der Vorschul- und Primarbildung. Weiterführende Schulen mit deutsch-französischen Angeboten gibt es hingegen bundesweit, auch wenn die absolute Zahl an Schulen, die ein deutsch-französisches Abitur oder AbiBac ermöglichen – in aller Regel sind es Gymnasien – mit rund 80 sehr überschaubar ist. Den geografischen Schwerpunkt bildet diesbezüglich das Bundesland Nordrhein-Westfalen, das zwar nicht an Frankreich grenzt, aber das bevölkerungsreichste Land der BRD ist (etwa genauso viele Einwohner wie die Niederlande) und auch die dichteste Hochschullandschaft besitzt. Allerdings gilt auch hier: Deutsch-französische bilinguale Angebote sind bestenfalls konstant, im Ganzen aber eher rückläufig, da sie sich gegen die schier übermächtige „Konkurrenz“ des Englischen und dritter Sprachen – aktuell besonders Spanisch – behaupten müssen.

Trotzdem ist das Französische in der BRD nach wie vor eine der größten, wenn nicht noch immer klar die nach Englisch größte schulische Fremdsprache. Daraus ist nicht zwangsläufig der hohe Status des Französischen für deutsche Schüler, Eltern und Schulen abzulesen. Vielmehr war Französisch über jahrzehntelang die einzige flächendeckend unterrichtete moderne Fremdsprache neben Englisch (in der DDR war es Russisch). Davon zehrt die Sprache auch heute noch, aber die Klagen über einen Rückgang an Lernern ist heute ebenso flächendeckend.

DaF – Deutsch als Fremdsprache (in den Niederlanden und Belgien)

Vielleicht kann man sagen, dass die Situation der Fremdsprache Deutsch in den Niederlanden dieser Lage ein bisschen ähnlich ist: Traditionell war es die neben Englisch meist gelernte schulische Fremdsprache und kämpft heute gegen massiv zurückgehende Lernerzahlen. Immer wieder wird die Rolle des deutschen Fernsehens unterstrichen, das im 20. Jahrhundert von sehr breiten Teilen der niederländischen Bevölkerung konsumiert wurde – die Serie Derrick kannte jeder Niederländer. Deutsch war also eine gängige Mediensprache in den Niederlanden, daraus resultierte oft eine spielerische Gewöhnung an die Nachbarsprache. Diese Funktion hat heute das Deutsche nahezu vollständig an das Englische verloren. Daran ändert ganz offenkundig auch nichts, dass Deutsch als – gemessen an den Muttersprachlern – größte Kultursprache Europas und als Sprache des wichtigsten Handelspartners[2] attraktiv sein könnte.

Die niederländische Bildungspolitik wird zentral in Den Haag verantwortet, im belgischen Föderalsystem sind die Sprachgemeinschaften (dies zu erklären, würde deutlich zu weit führen) zuständig. In beiden Fällen haben aber die Schulen weitgehende Autonomie bzgl. ihres Sprachenangebotes. Es liegt auf der Hand, dass das Französische in den niederländischsprachigen Schulen Flanderns und Brüssels einen sehr hohen Stellenwert hat. Aber auch hier ist das Englische klar Nummer 1, in den Niederlanden ohnehin.

Noch wird in den Niederlanden nahezu an allen weiterführenden Schulen Deutsch als Fremdsprache angeboten. Mehrheitlich wird es dabei als zweite schulische Fremdsprache gewählt, nur in einem der vier Schulprofile (vergleichbar zu den Bac-Profilen in Frankreich) ist es verpflichtend[3]. Zwar stieg die Zahl der Abschlussexamina im Fach Deutsch zuletzt wieder auf knapp ein Drittel aller Schüler (Tiefpunkt im Zeitraum 2002-2007[4] 26%), insgesamt ist der langfristige Gesamttrend aber rückläufig. Neben dem Problem, dass Deutsch für junge Niederländer im Vergleich zu anderen Sprachen offensichtlich nicht sehr attraktiv ist, wird das Fach als Studienfach nur noch sehr selten gewählt und bringt viel zu wenig ausgebildete Deutschlehrer „auf den Markt“.

Bilingualer Unterricht (Tweetalig Onderwijs/TTO) wird in den Niederlanden derzeit von 36 Schulen angeboten. Nur eine einzige davon hat aktuell die Partnersprache Deutsch. In Belgien hingegen hat das Bilinguale eine sehr starke Konjunktur. Dabei ist zwischen den Regionen bzw. den Sprachgemeinschaften zu unterscheiden, in denen grundsätzlich strikte Einsprachigkeit gilt. In den französischsprachigen Gebieten der Wallonie gibt es aber schon lange das Konzept der immersion, bei dem z.T. die Mehrheit der Fächer und sehr häufig schon in der Grundschule in der Zweitsprache unterrichtet wird. Hier spielt das Deutsche eine marginale Rolle. Dieses Konzept ist in den niederländischsprachigen Gebieten nicht zugelassen. Gleichwohl können Schulen maximal 20% ihres Unterrichts in Form von CLIL/EMILE anbieten. Auch hier ist Deutsch nur an 6 von 139 Schulen im Angebot[5]. Ganz allgemein ist die Zahl der Deutschlerner in Flandern nicht nur sehr viel geringer als in den Niederlanden, sondern ebenfalls klar rückläufig[6]. Auch in Belgien sind die geringen Studentenzahlen ein großes Problem für die Unterrichtsversorgung.

Nederlands als Vreemde Taal

Der Status des Niederländischen als Schulsprache ist indes ein ganz anderer: Niederländisch ist, verglichen mit Deutsch und Französisch, eine sehr kleine schulische Fremdsprache. Nur in drei Ländern wird es überhaupt unterrichtet: in Belgien (Wallonie und Brüssel), Deutschland (Nordrhein-Westfalen und Niedersachsen) und Frankreich (Hauts-de-France).

Während Französisch in Deutschland – wenigstens in den alten Bundesländern – an nahezu allen weiterführenden Schulen angeboten und von ca. einem Viertel der Schüler in der Sekundarstufe I gelernt wird[7], hat Niederländisch dagegen einen geradezu exotischen Status. Nur in den beiden direkten Nachbarländern der Niederlande (NRW und Niedersachsen) wird es überhaupt angeboten. Und auch dort ist es insgesamt eine Nischensprache. Die Dichte an Schulen mit dieser Fremdsprache nimmt sehr deutlich ab, je weiter man von der Grenze entfernt ist. Sehr häufig ist Niederländisch erst die dritte Fremdsprache, nirgendwo ist das Niederländischlernen verpflichtend.

Um die Dimensionen zu verdeutlichen, hier ein kleiner statistischer Vergleich aus NRW (ca. 18 Mio. Einwohner[8]: 519 von ca. 88.000 Lehrern (zur Erinnerung: in Deutschland haben Lehrer meistens zwei, zum Teil auch drei Fächer) haben die Lehrbefähigung für das Fach Niederländisch – für Französisch sind es 7387! Nur 191 Schulen haben Niederländisch im Fremdsprachenangebot (Französisch: 1678, d.h. quasi alle), davon je ca. ein Drittel Gesamtschulen, Gymnasien und Berufskollegs. Ca. 29.000 (Frz.: 328.705) von insgesamt gut 1,8 Mio. Schülern an weiterführenden Schule lernten 2018 Niederländisch. 20 Lerngruppen/Kurse an 6 Schulen lernten Niederländisch bilingual (Frz. 186 Gruppen an 17 Schulen).

Katalysatoren und Hemmschuhe

Es ist unverkennbar, dass die direkte geografische Nähe ganz offensichtlich ein wichtiger Faktor für die Einführung von nachbarsprachlichen Angeboten in den Schulen ist. Das gilt für Deutsch und Französisch entlang des Rheins und der Mosel genauso wie für das deutsch-niederländische Sprachenpaar von Aachen bis zur Nordsee. Dabei ist die geografische Nähe sicher ein motivierender Faktor, weil es einen realen Anwendungsbezug für die Sprache gibt. Wer beispielsweise in Aachen wohnt, kann Niederländisch täglich in der eigenen Stadt hören und bei Bedarf auch jederzeit selbst sprechen, wenn es etwa zum Einkaufen über die Grenze geht. Öffentliche Verkehrsmittel, Werbung von Geschäften, Radiosender – die Nachbarsprachen sind in den Grenzregionen allgegenwärtig.

Darüber hinaus sind für die deutsch-niederländischen Beziehungen vor allem aber die zahlreichen Schulpartnerschaften ein ganz wichtiges Fundament. Sie führen zu Live-Kontakten, die dank der Grenznähe und der geringen Distanz ganz überwiegend auch in Eintagesbegegnungen realisierbar und somit auch finanziell nicht allzu aufwändig sind. Bemerkenswert ist dabei, dass an derartigen Austauschen sehr viele Schüler bzw. sogar ganze Klassen teilnehmen, die die Nachbarsprache überhaupt nicht lernen. Ein Großteil der deutschen Schulen, die eine niederländische Partnerschule haben, bieten die Nachbarsprache selbst gar nicht an! Dies ist sicherlich ein Unterschied zu den deutsch-französischen Schulpartnerschaften, die traditionell von den Sprachlehrern initiiert und organisiert werden.

Immer wieder gibt es auch die Chance, an zusätzliche Ressourcen zur Unterstützung grenzüberschreitende Kooperationen und Initiativen zu kommen. Am mit Abstand finanzkräftigsten ist dabei sicher das INTERREG-Programm, als Teil der Struktur- und Investitionspolitik der Europäischen Union. Es fokussiert dabei zwar größtenteils Projekte aus Bereichen wie Infrastruktur, Wirtschaft, Arbeitsmarkt oder Natur und Umwelt, aber immer mal wieder gibt es auch größere Kulturprojekte, die auch Sprachförderung zum Ziel haben[9]. Wie alle Projekte sind diese häufig innovativ, aber sie kranken an der fehlenden Nachhaltigkeit. Deutlich direkter und niedrigschwelliger sowie etwa durch Lehrerfortbildungen oft auch nachhaltiger sind Unterstützungsmaßnahmen des Goethe-Instituts in den Niederlanden und Belgien bzw. der „Nederlands Taalunie“ in Deutschland, die ihrem Wesen nach ähnliche Ziele verfolgen wie die Instituts Français im Ausland, aber teilweise auch wie das DFJW/OFAJ arbeiten. In den Niederlanden ist zudem sicher auch die „Europees Platform“ eine wichtige Institution, die die Internationalisierung und Mehrsprachigkeit der Schulen professionell vorantreibt.

Das deutsch-niederländische Nachbarsprachenlernen wird in gewisser Weise aber angebotsseitig ausgebremst. Der naheliegende Gedanke, man könne den Sprachunterricht durch muttersprachliche Lehrkräfte abdecken, erweist sich in aller Regel als Sackgasse: unterschiedliche Studienordnungen und höchstkomplizierte Anerkennungsverfahren für Abschlüsse verhindern dies. Eine Ausnahme bildet hier lediglich die Wallonie, da Lehrer hier aus dem eigenen Staatsgebiet rekrutiert werden können, so dass die Fremdsprache Niederländisch dort nicht selten von flämischen Muttersprachlern unterrichtet werden kann.

Auch die Lehrerausbildung könnte ein hemmender Aspekt für das Nachbarsprachenlernen sein. Während in Belgien und den Niederlande schichtweg der Nachwuchs an Deutschlehrern fehlt, gibt es in Deutschland ein regionales Ungleichgewicht: Das Fach „Niederländisch auf Lehramt“ lässt sich nur an den Universitäten Oldenburg, Münster und Köln studieren. Köln und Münster zählen nicht nur zu den attraktivsten Studienorten, sondern sind auch insgesamt als zwei der Städte mit der höchsten Lebensqualität bekannt. Beide liegen aber nicht im direkten Grenzgebiet, wo die meisten Schulen mit Niederländisch angeboten liegen. Die einzige große Universität im unmittelbaren Grenzland, die RWTH Aachen, bildet hingegen keine Niederländischlehrer aus. Kurzgefasst: Die Schulen im Grenzland müssen um die Niederländischlehrer aus den großen Unistädten konkurrieren, die es allerdings häufig gar nicht aus der Stadt herauszieht…

Mit einem weiteren Problem haben v.a. die deutschen Lehrer zu kämpfen. Die vergleichsweise geringe Lernerzahl in der Fremdsprache Niederländisch führt dazu, dass es für die Verlage wirtschaftlich kaum lohnend ist, vielfältige Unterrichtsmaterialien zu entwickeln. Für den Französischunterricht ist die Materialfülle dagegen kaum zu überschauen. Die Konsequenz ist: Die Lehrer müssen sehr viel selbst suchen und/oder herstellen. Das führt allerdings auch dazu, dass im Deutsch- und Niederländischunterricht schon sehr früh sehr viel mit authentischem Material gearbeitet wird – einerseits aus der Not heraus, zum anderen aber auch ganz einfach, weil es geht!

Chancen: Austausche und niedrigschwelliges Sprachenlernen

Die Grenznähe ist ohne Zweifel ein Trumpf beim Nachbarsprachenlernen. Dabei geht es nicht nur um das nahe Live-Erlebnis der Sprache, d.h. den authentischen Anwendungsbezug. Die Möglichkeit, Austausche – sowohl zeitlich als auch finanziell – vergleichsweise ressourcenschonend zu organisieren, eröffnet die Chance, echte interkulturelle Erfahrungen zu machen. Das könnte für Schulen im Grenzland ein ganz gewichtiges Argument sein, auf das Lernen der Nachbarsprachen zu setzen. Davon abgesehen spricht aber vor allem auch die linguistische Verwandtschaft der beiden Sprachen Deutsch und Niederländisch dafür: Selbst in Anfängerkursen ist es bereits möglich und üblich, mit authentischen Originaltexten aus der Zielsprache zu arbeiten. Die Sprachen sind sich so ähnlich, dass vieles ohne Vorkenntnis verstanden werden kann – für Französisch und Deutsch leider so nicht möglich. Daraus kann, wenn es von den Lehrern richtig angebahnt wird, übrigens auch ein großes Motivationsplus entstehen: Schnelle Fortschritte im ersten Lernjahr können selbst bei Schülern, die sich ansonsten als weniger sprachbegabt und -begeistert erleben, Erfolgserlebnisse schaffen. Vermutlich gibt es in Deutschland zehntausende Menschen, die jahrelang Französisch gelernt haben, aber nie wirklich das Gefühl hatten, jemals etwas verstanden oder gekonnt zu haben (was natürlich so nicht stimmt) – das wird nach einigen Jahren Niederländischunterricht so nicht passieren. Wie viel größer mag da die Motivation sein, als Erwachsener noch mal neu anzugreifen oder eine weitere Fremdsprache zu lernen – z.B. Französisch!


[1] Florian Niehaus est formateur en histoire et en histoire bilingue pour le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Il enseigne au Gymnasium Sankt Leonhard à Aix-la-Chapelle qui fait partie du réseau de l’association Libingua.

[2] In der Gesamtstatistik, nach Daten von 2017, Details vgl. https://de.statista.com/themen/1080/niederlande/ bzw. https://de.statista.com/themen/1533/belgien/ (Abruf jeweils 14.11.2019).

[3] Vgl. Zahlen des Goethe-Instituts von 2016: https://machmit.nl/assets/upload/Daarom%20Duits/Allgemeine%20Übersicht%20zu%20den%20Abschlussexamen.pdf

[4] Gut 32% aller Schülerinnen und Schüler machen Abschlussexamen in Deutsch (Französisch 2016 nur halb so viele: 15,6%) https://machmit.nl/assets/upload/Daarom%20Duits/Allgemeine%20Übersicht%20zu%20den%20Abschlussexamen.pdf          

[5] Zum Teil bieten flämische Schulen auch mehrere Immersionssprachen gleichzeitig an. Vgl offizielle Liste: https://onderwijs.vlaanderen.be/nl/clil-content-and-language-integrated-learning#overzicht-CLIL-scholen.

[6] Ca. 70.000 Deutschlerner (Rückgang um 16% in den letzten 15 Jahren http://vubtoday.be/nl/content/aantal-leerlingen-duits-op-historisch-dieptepunt).

[7] Zahl von 2013: www.spiegel.de/lebenundlernen/schule/europa-diese-fremdsprachen-lernen-schueler-a-1046284.html Damit ist Französisch deutschlandweit mit riesigem Abstand zu den anderen Sprachen ganz klare Nummer 2 hinter Englisch.

[8] Schulstatistik NRW 2018/19, S. 74: www.schulministerium.nrw.de/docs/bp/Ministerium/Service/Schulstatistik/Amtliche-Schuldaten/Quantita_2018.pdf.

[9] Z.B. das Projekt „Linguacluster“ 2010-2013 im Grenzraum Aachen-Hasselt-Maastricht.

Ein Gespräch mit Leoni Keskinkılıç. Die „Europäisierung“ rechter Nationalparteien. Narrative von dem Rassemblement national und der Alternative für Deutschland.

Leoni Keskinkılıç ist Sozialwissenschaftlerin und Ethnologin. Sie arbeitet an der Humboldt-Universität zu Berlin und forscht zu sozialer Ungleichheit, Migration, Europäisierung, Grenzregime sowie Postkolonialer und Feministischer Theorie.

Entretien mené par Morwenna Coquelin[1]

Revue Abibac : Sie interessieren sich für die Diskurse zweier rechtsextremistischer Parteien – der Alternative für Deutschland (AfD) und des Rassemblement national (RN). Wie und warum sind Sie zu diesem Thema gekommen?

L. K.: Seit die AfD nach ihrer Gründung im Jahr 2013 zunehmend Wähler*innen für sich gewinnt und 2017 mit 12,6 Prozent in den Deutschen Bundestag einzog, machte sich in weiten Teilen der Bevölkerung Entsetzen und Erstaunen breit: Wie ist das möglich? Als Sozialwissenschaftlerin und Ethnologin beschäftige ich mich mit Fragen zur Geschichte und Aktualität von Nation und Europa und welche Rolle Heterogenität und Migration darin einnehmen. Im Zuge dieser Auseinandersetzung wollte ich der Frage nachgehen, inwiefern es gar keine so große Überraschung ist, dass Parteien, die stark vereinheitlichende und hierarchisierende Verständnisse von Kultur, Religion und Nation vertreten, Zuspruch erhalten. So stellte die These auf, dass sowohl der RN als auch die AfD zunehmend gewählt werden und politikfähig sind, da ihre parteipolitischen Perspektiven nicht (ausschließlich) über rechte Randerzählungen artikuliert werden, sondern an dominanten Sicht- und Denkweisen, die tief in der Gesellschaft verankert sind, anknüpfen. Meine zweite These lautete, dass das Erstarken und die Bündnisschließung rechter Nationalparteien die Normalisierung und Durchsetzung nationalistischer Forderungen vorantreiben und das Feld des Sag- und Machbaren in ganz Europa auf dramatische Weise verschieben.

Der Vergleich der AfD mit dem RN war dann in zweierlei Hinsicht interessant: Zum einen ist der RN anders als die AfD keine junge Partei, sondern wurde bereits 1972 gegründet und galt damals mit offen antisemitischen, rassistischen Äußerungen und autoritären, nationalistischen Gesellschaftsbildern explizit als rechtsextremistisch. Seit Marine Le Pen an der Parteispitze ist, wird die Partei jedoch anschlussfähiger und ist ein ernstzunehmendes Beispiel dafür, wie sich eine rechtsextreme Partei einen Weg vom Rand ins Zentrum der Politik zu bahnen vermag. Der zweite interessante Aspekt ist die Kooperation zwischen der AfD und dem RN: Beide Parteien sind Gründungsmitglied der EU-Fraktion „Identität und Demokratie“ und unterstützen gegenseitig ihre politischen Visionen. Neben den Fragen nach der Anschlussfähigkeit der Parteien auf nationaler Ebene, stellte sich mir also auch die Frage, inwieweit eine „Europäisierung“ rechter Nationalparteien stattfindet und welche Konsequenzen das für ihren Handlungsspielraum hat. Es sind Fragen, die höchst relevant sind, gerade in einer Zeit, in der oft mit Ohnmacht und Uneinigkeit dabei zugeschaut wird, wie sich diese Parteien europaweit weiter etablieren.

R.A.: Die heutige Welt kennzeichnet sich durch die Macht der Bilder und durch kurze, schlagende Formeln – Twitter und viele andere schnell lesbare und leicht teilbare Medien. Das Storytelling prägt auch seit den 90er Jahren die Kommunikation. Ihre Arbeit zeigt dagegen die Wichtigkeit, die Diskurse in einen sozialen und politischen Kontext zu ordnen, sowohl als in die Geschichte der politischen Themen und Wörter. Können Sie mehr darüber erklären, besonders für unsere Schüler*innen, die künftige Wählerschaft, teilweise schon politisch engagiert?

L. K : Medien wie Twitter und Facebook sind wichtige Plattformen, um sich zu informieren, zu vernetzen, zu solidarisieren oder Widerstand zu leisten. Gleichzeitig dürfen wir nicht vergessen, dass die darin zirkulierenden Bilder und Wörter politische Bedeutungen haben und unterschiedliche Effekte bewirken – je nachdem, wer es verbreitet oder liest. Bilder und Wörter beeinflussen Wahrnehmungen, Vorstellungen und Handlungen. Sie können nicht nur verletzen oder bestärken, sondern auch Benachteiligung oder Bevorzugung schüren und Ungleichheit erzeugen.

Wenn die AfD und der RN beispielsweise Wahlslogans verbreiten wie „Mut zu Deutschland!“ oder „Weder rechts noch links – französisch!“, dann muss ich mir zum Beispiel als weiße Französin oder Deutsche keine Sorgen machen, dass ich nicht dazugehöre. Muslimischen Franzosen oder Deutschen stellt sich aber die Frage, welchen Platz sie in diesem Frankreich oder Deutschland bekämen, in dem sie schon jetzt mit Diskriminierung und Ausschluss zu kämpfen haben. Bilder und Wörter, die Muslim*innen und andere nicht-weiße Gesellschaftsmitglieder angreifen, können an den privilegierten Weißen leicht vorbeiziehen. Vertreter*innen der Postkolonialen Theorie wie Edward Said, Stuart Hall und Gayatri C. Spivak lehren uns dagegen, die Stimmen und Perspektiven der Marginalisierten ins Zentrum zu setzen, um über ihr Wissen die Gesellschaft verstehen zu lernen und Ungleichheit und Ungerechtigkeit zu erkennen und zu überwinden. Eine Gesellschaft der Gleichheit und Gleichberechtigung mitzugestalten bedeutet also, eine Bereitschaft zu entwickeln, sich kritisch mit Bildern und Wörtern und ihrem Verhältnis zu Macht und Gewalt auseinanderzusetzen und rassistische Aussagen und Handlungen offen zu verurteilen. Und auch wenn es manchmal gar nicht so einfach erscheint, zu entschlüsseln, welche Bedeutung Wörter und Bilder transportieren sind Bemühungen, dem auf die Spur zu gehen, von existenzieller Bedeutung.

R.A.: Obwohl man spontan denken könnte, dass „Europa“ den nationalistischen Diskurs eher widerspricht, zeigen Sie, dass dieser Begriff mehr und mehr auf das Spiel gestellt wird. Wie nehmen Parteien wie die AfD oder der RN „Europa“ in Beschlag? Wie verbinden sie „Europa“ und „Nation“?

L. K: Die Nation steht klar im Vordergrund. Dennoch bekräftigen beide Partien, nicht „anti-europäisch“ zu denken. Le Pen erklärt etwa: „Ich bin Europäerin, ich glaube an […] ein Europa der Kooperation, das des Airbus und der Ariane“. Beide Parteien befürworten eine „partnerschaftliche Zusammenarbeit“, wenn um wohlstands- und wachstumsversprechenden Projekte geht. Sie sprechen sich aber gegen eine die Nation ersetzende europäische Identität aus.

Kultur, Sprache und Identität sollen „nationale Angelegenheit“ bleiben. Schauen wir aber genauer hin, stellt Europa als „Ideengemeinschaft“ durchaus einen signifikanten Referenzpunkt für ihre Kultur- und Identitätskonstruktionen dar: Sie berufen sich einerseits auf die „europäische Moderne“ und „zivilisatorischen Errungenschaften“, die Freiheit und Gleichheit hervorbrächten, und andererseits auf das Ende von Unfreiheit, Ungleichheit und Sklaverei, das das Resultat der „christlich-humanistischen Kultur der europäischen Völker“ sei, so die AfD in ihrem Wahlprogramm 2017. Und eben diese „europäischen“ Werte befinden sich laut AfD und RN heute in der Krise, bedroht durch Islam und Einwanderung. Um die Gefahren ‚von außen’ zu bekämpfen, fordern sie den Wiederaufbau von nationalen Grenzkontrollen, die drastische Einschränkung von Einwanderung und Staatsbürgerschaftsvergabe und die Ausweitung von Verboten, Kontrollen und Strafen – und das auf nationaler Ebene, aber europaweit.

Beide Parteien sichern und begrenzen also ihre nationalen „Identifikationsräume“ und ordnen sich zugleich in ein Narrativ des Europäischen ein. Sie beanspruchen, eine „Zivilisationsgeschichte“ zu repräsentieren, mit der sie ihre angestrebte kulturelle und politische Dominanz zu rechtfertigen versuchen.

R.A.: Was meint „Europa“ für diese Parteien? Welches „Europa“ bilden ihre Diskurse? Nützen sie diesen Begriff nur, um „die Anderen“ – momentan meistens die Muslim*innen – zu stigmatisieren?

L. K: Aus den Diskursen der AfD und des RN resultieren zwei wesentliche Bilder: Zum einen das Feindbild Islam und zum anderen das Idealbild Europa. Beide sind tief in historisch tradierten Wissensbeständen verankert.

Die Sozialpädagogin Iman Attia zeigt etwa in ihrem Buch „Die ‚westliche Kultur‘ und ihr Anderes“, dass sich Darstellungen des Islams als Bedrohung der Sicherheit und Kultur Europas an orientalistischen und antimuslimischen Bildern bedienen, die in die Zeit des Kolonialismus zurückgehen. Solche rassistischen Bilder werden von der AfD und dem RN genutzt und so kulturell und religiös umgedeutet, dass Stigmatisierungen und Ausschlüsse von Muslim*innen legitim und normal erscheinen.

Dieses Europa erzeugt aber nicht nur Ab- und Ausgrenzungen, denn im Spiegel von Fremd- und Feindbildern zeigt sich auch ein bestimmtes Selbstbild: Der Philosoph David T. Goldberg skizziert in seinem Aufsatz Racial Europeanization, wie die im Kolonialismus verstrickten Europäisierungsprozesse den „Europäer“ als weiß und christlich erzeugten und den „europäischen Bürger“ per se als aufgeklärt, human, tolerant, Gleichheits- und Freiheitsstrebend definierten. Im gleichen Zuge entwickelte sich die Vorstellung, dass diese Entwicklung vom „Rest“ der Welt abgekoppelt und Europa das alleinige Zentrum des Denkens und Handelns sei. Eine Ideologie, die auch als Eurozentrismus bezeichnet wird. Wenn die AfD und der RN von den „europäischen Völkern“ und ihrer „unveränderlichen Substanz“ sprechen, verbergen sich dahinter eben solche rassistischen und eurozentrischen Ideologien.

Beide Parteien unternehmen den Versuch, sich in eine Geschichte der „Expansion“ und „Entdeckung der Welt“ einzuschreiben, in der sie sich als Heimat der „Überlegenen“, „Retter“, „Erfinder“ und „Sieger“ der Welt quasi wiederentdecken. Hierbei ist auch auf das ambivalente Verhältnis der AfD und des RN zum Judentum und zur Erinnerung an den Holocaust hinzuweisen: Denn aus der Sicht beider Parteien nehmen das Gedenken an die Opfer des Nationalsozialismus und des Holocausts zu viel Raum in der nationalen Erinnerungskultur ein. Positive Referenzpunkte in der Geschichte würden in den Hintergrund gedrängt. Einen solchen Lichtblick finden sie wohl aber in der „europäischen Meistererzählung“ vom Fortschritt und Humanismus, die sich an Stärke und Macht orientiert.

Um ein solches ideologisch aufgeladenes Bild von Europa aufrechtzuerhalten, bedarf es wiederum impliziten und expliziten Abgrenzungen. Denn Selbst- und Fremdbild sind zutiefst voneinander abhängig: Wer ist also nicht Europäer*in und was ist nicht europäisch? Die Fremd- und Feindbilder des RN und der AfD sind flexibel und existieren gleichzeitig: Beide Parteien kulturalisieren, ethnisieren und nationalisieren Zugehörigkeit und europäisieren Werte wie Freiheit und Gleichheit auf eine Weise, dass jeglichen nicht-weißen Gesellschaftsmitgliedern wie Muslim*innen, Schwarzen, Rom*nja und Sinte*zza, Juden und Jüdinnen, keine „natürliche“ Daseinsberechtigung zukommt. Dieses Europa basiert auf einer rassifizierenden Logik, nach der Menschen aufgrund zugeschriebener kultureller und/oder religiöser Merkmale in Gruppen zusammengefasst, als nicht zugehörig erklärt und ausgeschlossen werden.

Schließlich beschwören der RN und die AfD ein Europa herauf, das durch Auslassungen und Abstraktionen auf einen einzigen Erzählstrang reduziert wird, der den Maßstab und die Bedingung von Zugehörigkeit, Kultur und Identität setzt. Dieses Europanarrativ ist insofern idealisierend und romantisierend, als dass jegliche Gewalt- und Ungleichheitsverhältnisse, migrantische Mitgestaltung, Kämpfe, Widerstände und Transformationskräfte der Vergangenheit und Gegenwart unsichtbar gemacht werden: Es verschleiert die Verbrechen Europas, die seit Beginn des Kolonialismus, des Imperialismus und der christlich motivierten Zivilisierungsmission die globale Ordnung prägen. Nicht erzählt wird, dass die europäischen Kolonialmächte über Jahrhunderte systematisch zahlreiche außereuropäische Gebiete besetzt, Menschen rassifiziert, unterdrückt, versklavt, ausgebeutet und ermordet haben und dass die Kirche eng mit der Kolonialmacht zusammenarbeitete. Auch die Tatsache, dass Europa immer schon durch Migration geprägt und von globalen Einflüssen mitgestaltet wurde, wird hier verdrängt. Sowohl innereuropäische Kriege, Konkurrenzen und Heterogenitäten als auch Unterdrückung, Ausgrenzung, Verfolgung, Vertreibung und Genozide werden ausgeblendet oder bagatellisiert.

Mit Blick auf dieses Erbe erhalten die hochgehaltenen „europäischen“ Werte der Gleichheit und Freiheit einen bitteren Beigeschmack – und das nicht erst seit den gegenwärtigen Menschenrechtsverletzungen an den Grenzen Europas und im Mittelmeer. Der eigene Machtverlust, Wohlstandsüberfluss und die eigenen Verbrechen sind aber nicht die Themen der AfD und des RN, sondern sie nutzen ein idealisiertes und exkludierendes Bild von Europa als Legitimationsgrundlage für nationalistische und rassistische Ideologien.

Um sich politisch durchzusetzen, haben sie auch schon eine geeignete Plattform auf EU-Ebene gefunden: Im Frühjahr 2019 gründeten die rechten Nationalparteien aus Deutschland, Frankreich, Belgien, Dänemark, Österreich, Italien, Finnland, Estland und Tschechien die Fraktion „Identität und Demokratie“, um gemeinsam die „Umwälzung auf dem politischen Spielfeld in Europa“ zu bewirken, wie es Le Pen formuliert. Die Fraktion ist derzeit fünft stärkste Kraft im Europäischen Parlament – so finden rechte Parteien europaweit zunehmend zu einer gemeinsamen Sprache, die sie dazu befähigt, politisch Einfluss zu nehmen und andere Parteien herauszufordern. Gegen das Erstarken rechter Parteien formiert sich aber auch Widerstand: Das European Forum of Progressive Forces will etwa ein Bündnis für ein soziales und solidarisches Europa stärken und den wachsenden Bedrohungen durch rechte Ideologien entgegenwirken. Um nationalistisch-eurozentrische Ideologien auszuhebeln, bleibt die entschiedene Zurückweisung von Ungerechtigkeit und Ungleichheit und die Hinwendung zur eigenen Verstrickung in solchen Ideologien ein notwendiger aber noch ausbleibender Schritt.

R.A.: Welche Unterschiede kann man zwischen den Diskursen der AfD und des RN sehen?

L. K: Unterschiede lassen sich vor allem in der Artikulationsweisen und der Themensetzung ausmachen: Während die AfD das „Feindbild Islam ins Zentrum ihrer Rhetorik stellt, spricht der RN primär vom „Volk“ und „den Franzosen“ – wobei das gleiche Feindbild implizit mitentworfen wird. Dass die nationalistischen Ideologien der AfD und des RN aus unterschiedlichen nationalen Bedingungen und Traditionen hervorgehen, wird an der Themensetzung deutlich: Der RN widmet sich neben Einwanderung explizit ökonomischen und sozialen Missständen und wirbt gezielt mit Sozialpolitik und linken Argumentationen wie „sozialer Gerechtigkeit“. Die AfD preist dagegen neoliberale und nationalkonservativ grundierte Gesellschafts- und Wirtschaftsvorstellungen an und umgeht Themen wie Armut und Wohlstand weitestgehend. In ihrem Fokus stehen Integration und „Leitkultur“. Doch trotz Unterschiede bekräftigt Le Pen, dass beide Parteien mehr verbindet als trennt.

Für weitere Analysen ist es relevant der Frage weiter nachzugehen, wie sich die lokalspezifischen Geschichts- und Erfahrungskontexte in Bezug auf Migration, Kolonialismus, Nationalsozialismus und Genozide wie auch das Verhältnis von Staat und Religion und die Rolle des Wohlfahrtsstaats sich auf die Themenschwerpunkte, Rhetorik und Diskurs-, Politik- und Bündnisfähigkeit rechter Parteien in Europa auswirken.

R.A.: Im Titel ihres Buches von 1988 verbinden É. Balibar und I. Wallenstein Rasse, Nation und soziale Schicht [Race, nation, classe, Übers. Michael Haupt, Ilse Utz: Rasse Klasse Nation. Ambivalente Identitäten. Argument, Hamburg 1990]. Der Begriff „Klasse“ scheint aber in den heutigen rechtsextremistischen Analysen und Lösungen fehlen.

L. K: Balibar und Wallenstein arbeiten in ihrem Buch den Zusammenhang zwischen „Rasse“, Rassismus und der Konstituierung von Klassen heraus. Die ökonomischen Verhältnisse spielen für die rechten Parteien eine nicht zu unterschätzende Rolle. Das Problem ungleicher Klassenverhältnisse greift Le Pen auch explizit auf: Sie will soziale Gerechtigkeit und Wohlstand „für alle“ garantieren und schlägt hierfür „nationale Präferenz“, das heißt die Bevorzugung von „Franzosen“ auf dem Arbeitsmarkt, vor. Wenn der RN dann soziale Gerechtigkeit und Wohlstand mit Innerer Sicherheit verknüpft, stellt sich wieder die Frage, wer die „Franzosen“ sind und vor wem sie beschützt und bevorzugt werden müssen? Nach den Terroranschlägen in Frankreich 2015 und 2016 gilt das Bedrohungspotenzial durch Einwanderung und Islam zunehmend als plausibel: Statistiken zeigen, dass über zwei Drittel der französischen Bevölkerung der Ansicht sind, es lebten zu viele Immigrant*innen in Frankreich und der RN weise die größte Problemlösungskompetenz auf. Die klassenübergreifende Wähler*innenschaft des RN vereint schließlich die Formel „Franzose zu sein“. Eine Formel, die sich über soziale Fragen und Widersprüche in Bezug auf Armut und soziale Gerechtigkeit zu stellen vermag. Und auch wenn die AfD nicht sozioökonomische Fragen in den Mittelpunkt stellt, zeigen Wahlanalysen, dass Themen wie Einkommen, Rente, soziale Sicherheit und Bildung eine große Rolle in der Wahlentscheidung spielen. Die Wähler*innen sind bereit, ihre eigene Existenz auf Kosten Anderer zu sichern. So zeigt sich eindrücklich, dass „Rasse“, Klasse und Nation eng miteinander verwoben sind. Für ein breiteres Verständnis der Anschlussfähigkeit rechter Parteien sind dahingehend weitere Analysen durchaus relevant.

R.A.: Die Förderung der Frauenrechte und der Gleichberichtigung zwischen Männern und Frauen scheint ebenso nur ein Vorwand sein, um den Islam zu stigmatisieren, der als frauenfeindlich dargestellt wird. Sind die Frauenrechte nur ein Instrument gegen eine verworfene Kultur?

L. K: Frauenrechte und Geschlechtergerechtigkeit sind wichtige Themen unserer Gesellschaft. Interessanterweise behaupten beide Parteien, einer Kultur abzustammen, in der die Gleichberechtigung der Geschlechter schon lange Status quo sei. Statistiken zeigen allerdings, dass sowohl in Deutschland als auch in Frankreich Gewalt gegen Frauen* weiterhin ein gesellschaftliches Problem sind. Das gleiche gilt für die geschlechtsspezifischen Lohnunterschiede und die allgemeine Diskriminierung von Frauen* auf dem Arbeitsmarkt. Vor diesem Hintergrund dient die idealisierte Darstellung der gleichgestellten Frau* zum Instrument der Stigmatisierung der Anderen beziehungsweise der Ablenkung vom Eigenen: Denn wenn ich ausschließlich andere für Sexismus verantwortlich und zur Quelle jeglicher (Gesellschafts-)Probleme mache, muss ich mich nicht meiner eigenen Verantwortung widmen. Und wieder gilt es, nicht zu übersehen, dass die Ethnisierung von geschlechtsbezogener Kriminalität, Gefahr und Unterdrückung auf gesellschaftlich tief verankerten und historisch weit zurückreichenden Diskursen basiert: Wenn der RN oder die AfD vor dem gefährlichen „muslimischen Mann“ warnen, vor dem „unsere freie und gleichgestellte Frau“ beschützt werden muss, dann knüpft es am sexualisierten Bild über die unterdrückte „orientalische Frau“ und die Angst vor dem „männlichen Islam“ an. Der Körper und die Rolle der weißen Frau werden für nationalistische Politik instrumentalisiert und müssen ungeachtet bestehender Ungleichheitsverhältnisse als Symbol der vermeintlich errungenen Freiheit und Gleichheit in unserer Gesellschaft herhalten.

R.A.: Wie interpretieren Sie die Situation in Frankreich um die Frage der Laïzität und des Schleiers, und die steigernde Verwirrung zwischen dem „espace public“ im Sinne des Gebietes des Staat, das neutral bleiben soll, und dem „espace public“ im Sinne eines gemeinsamen Raums, wie die Straßen, von dem immer mehr Menschen behaupten, dass er kein Ort der Sichtbarkeit der Religionen sein kann?

L. K: In Paris initiiert ein Politiker des RN ein Gesetzentwurf mit, das das Tragen des Kopftuches bei Schulausflügen verbieten soll, da es eine „Provokation“ darstelle. Während der Pariser Senat mehrheitlich für das Gesetz stimmt und der französische Bildungsminister Blanquer im gleichen Zuge das Kopftuch als per se „nicht wünschenswert“ erklärt, weist Präsident Macron den Gesetzentwurf entschieden zurück und warnt vor der Diskriminierung von Muslim*innen im öffentlichen Raum. Eine Umfrage zeigt aber, dass zwei Drittel der Franzosen ein solches Gesetz durchaus befürworten.

Die jüngste Debatte in Frankreich um das Tragen des Kopftuches im öffentlichem Räum muss ebenfalls machtkritisch auf seine historische Kontinuität betrachtet werden:

Der Islam repräsentiert historisch nicht nur einen Mangel (an Freiheit, Zivilisiertheit, Menschlichkeit, etc.), sondern wird zugleich einer doppelten Logik unterzogen: Im Bereich Religion wird der Islam als politische Ideologie diffamiert, im Kontext Säkularismus gilt er hingegen als hyperreligiös. So wird der Islam in Fragen nach der Trennung von Staat und Religion und der Definition des „Neutralen“ als gesondertes Problem verhandelt.

Neben der ambivalenten Einordnung des Islams muss hier der Blick auch auf die Frage nach dem „Recht auf Öffentlichkeit“ gerichtet werden: Was ist der öffentliche Raum, wer darf ihn mitgestalten, beanspruchen und regulieren und wer nicht? Die Mehrheit in Frankreich scheint ihre koloniale Expertise nicht aufgegeben zu haben: Was zur Kolonialzeit in den Kolonien an Verboten, Kontrollen und Segregation praktiziert wurde, wird heute im Inneren fortgeführt. Hier soll das das (vermeintlich) Differente aus der Sichtbarkeit, dem Öffentlichen und Gesellschaftlichen ins Private und Unsichtbare verdrängt werden. Die Frage, die sich weiter stellt, ist, ob sich irgendwann ein Status der Befriedigung und Beruhigung einstellen wird: Wann ist das „Unerwünschte“ ausreichend an den Rand gedrängt ist – und wie weit würde eine Gesellschaft dafür noch gehen?

Veröffentlichung:Keskinkılıç, Leoni (2018): Die »Europäisierung« rechter Nationalparteien. Der Front National, die Alternative für Deutschland und die Idee von Europa, in: Jacob Wunderwald, Lukas Boehnke, Malte Thran (Hg.): Rechtpopulismus im Fokus, Wiesbaden: S


[1] Professeure d’histoire-géographie Abibac au lycée Maurice Ravel de Paris.

Entretien avec Volker Albrecht

Professeur de géographie et de didactique à l’université Goethe de Francfort-sur-le-Main, Volker Albrecht dirige depuis 1997 le PEA (Programme d’études en Allemagne) et a grandement contribué à la formation des enseignants d’histoire et de géographie des sections européennes et Abibac.

Entretien mené par Jonathan Gaquère

Revue abibac : Herr Albrecht, zwischen 1975 und 2006 lehrten Sie als Professor für Geographie und Didaktik an der Goethe Universität Frankfurt am Main. Sie haben das PEA-Programm (Programme d’études en Allemagne) geschaffen, um jungen LehrerInnen aus Frankreich eine Weiterbildung im Bereich der bilingualen Unterrichte anzubieten. Wie viele meiner Kolleginnen und Kollegen der Abibac-Klassen habe ich auch selbst daran teilgenommen. Können Sie uns erzählen, warum und wie dieses Programm entstand? (Statistiken bitte hier angeben)

Volker Albrecht : Das PEA-Programm begann 1997 und entstand aus einer Idee von befreundeten Mitgliedern des Hessischen Kultusministeriums und des Französischen Erziehungsministeriums. Die Grundidee war, neben vielen anderen deutsch-französischen Projekten, der Lehrerinnen- und Lehrerausbildung eine europäisch-deutsch-französische Ausbildungsperspektive zu eröffnen. Dies besonders für die Fächer Geographie (Erdkunde) und Geschichte, die eine wichtige Aufgabe im Bereich der Politischen Bildung haben. 

Die Implementierung war also eine sogenannte bottom-up Entscheidung, die dann auch offiziell genehmigt wurde, nachdem der DAAD (Deutscher Akademische Austauschdienst) mit ins Boot geholt worden war. Dadurch entstand eine besondere Konstruktion, da der DAAD als Kerngeschäft den Austausch von Studentinnen und Studenten sowie Doktoranden und Postdoktoranden organisiert. Diese Konstruktion ermöglichte es, neben den für die Ausbildung von Lehrerinnen und Lehrern in der 2. Phase zuständigen Studienseminaren die Goethe-Universität verantwortlich zu integrieren mit klaren Aufgabenteilungen, die im Prinzip bis heute angewandt werden: Der DAAD in Paris organisiert mit dem Erziehungsministerium das Ausschreibungsverfahren für die Bewerbungen. Begleitet wird das PEA-Programm in Deutschland von einem oder einer „Attaché, Attachée à la Coopération Universitaire“. Der DAAD prüft gemeinsam mit sehr sprachkundigen Deutschlehrerinnen oder -lehrern das Sprachniveau der Bewerber. Entsprechend dieser Sprachprüfungen, den Zusagen der zuständigen Rectoratsverwaltungen und der Anzahl der vom französischen Staat bezahlten Stipendien werden die Teilnehmerinnen und Teilnehmer bestimmt.

Die Aufgabe der Goethe Universität bestand und besteht darin, den allgemeinen organisatorischen und zeitlichen Rahmen in Absprache mit allen am Programm Engagierten abzustimmen, die Unterkünfte zu organisieren und Exkursionen in Frankfurt oder für die Stipendiaten interessante Orte wie Weimar, Mathildenhöhe in Darmstadt oder auch eine Wanderung entlang des Rheintales anzubieten.

Die Goethe Universität hatte und hat außerdem die Aufgabe, fachdidaktische Seminare für Geschichte und Geographie sowie Sprachkurse mit Deutsch als Fremdsprache einzurichten. Das damalige Studienseminar und heutige Amt für Lehrerausbildung waren und sind primär für die Organisation und Integration der Stipendiatinnen und Stipendiaten an ausgewählte Schulen verantwortlich. Für die dreimonatige Betreuung der Prof. Stagiaires in den Schulen durch Mentoren und durch Fachleiter entstand ein erheblicher zeitlicher Organisationsaufwand. Eine ausgewählte Prüfungsstunde musste unter Beisein einer französischen Inspectrice oder eines französischen Inspecteur in deutscher Sprache durchgeführt werden. Sowohl die an den Schulen tätigen Mentoren als auch die Fachleiter des Studienseminars haben Gutachten erstellt, die in die Gesamtbe- wertungen der damaligen französischen Ausbildungsinstitutionen IUFM einflossen. 

Ich habe das Programm nicht initiiert, sondern führe seit 1997 den universitären geographischen Teil durch und habe ab dem Jahre 2000 die Verantwortung für das gesamte PEA-Programm übernommen, an dem bis einschließlich 2020 173 Französinnen und Franzosen teilgenommen haben. Ich schreibe dies so allgemein, da ab 2012 nach den Reformen der Lehrerinnen- und Lehrerausbildung während der Regierungszeit von Präsident Sarkozy kaum noch Referendare (professeurs stagiaires) nach Frankfurt kamen. Im Zuge dieser Reformen, die die gesamte Ausbildung an die Universitäten verlagerte, wurde das PEA-Programm auf einen Monat verkürzt. Als Konsequenz bewarben sich nur noch voll beamtete professeurs titulaires. Dies bedeutete eine gewisse inhaltliche und organisatorische Neuausrichtung des Programmes. 

Die Anzahl derjenigen, die nach Frankfurt gekommen sind, schwankte zwischen 15 in den Jahren 2004, 2005 und 2006 sowie zwei in den Jahren 2010, 2014 und 2017. Im Jahre 2019 kam nur ein Teilnehmer nach Frankfurt. Auch in den Jahren, in denen die Anzahl sehr gering war, war die allgemeine Überzeugung aller am Programm Beteiligten, dass das Programm weiter durchgeführt werden sollte, da eine Unterbrechung möglicherweise das Aus für das Programm bedeutet hätte.

R. A. : Welche Lehren konnten Sie aus diesem Programm ziehen? 

V. A. : Im Gegensatz zu Beginn des Programmes im Jahre 1997 haben sich die pädagogisch-didaktischen Terminologien und allgemeinen Unterrichtsziele internationalisiert. Trotzdem scheint es noch länderspezifische Unterrichtskulturen zu geben, die in Frankreich durch zentrale Tests bestimmt werden und dadurch weniger freien und offenen Unterricht ermöglichen wie in Deutschland. Während wir in Frankfurt zu Beginn meinten, französischen professeurs stagiaires die „richtige“ Didaktik und Pädagogik zu vermitteln, steht mittlerweile im Mittelpunkt des Programmes ein gegenseitiger Austausch, der verstärkt auch von den französischen Stipendiaten eingefordert wird. So wird von diesen auf die sehr reduzierten schriftlichen Tätigkeiten an den besuchten Schulen hingewiesen, während der engagierte schülerorientierte Unterricht mit lebhafter Beteiligung als Anregung für den Unterricht in Frankreich empfunden wird.

Da die Sprachkenntnisse und auch die allgemeinen Kenntnisse zu Deutschland bei den Stipendiatinnen und Stipendiaten im Laufe der Zeit zugenommen haben, können wir uns in Frankfurt verstärkt auf Aspekte des bilingualen Unterrichts konzentrieren, der vom einsprachigen fremdsprachigen Sachunterricht mehr zu einer auf kulturelle Codes achtende Zweisprachigkeit übergehen sollte.

R. A. : Kennen Sie andere Programme, die LehrerInnen und Lehrern eine ähnliche transnationale Ausbildung anbieten?

V. A. : Ich kenne nur das von Herrn Böing koordinierte Programm zwischen der Bezirksregierung Köln und der Universität Lothringen.

R. A. : Sie sind jetzt 78 und Sie kümmern sich immer noch um dieses PEA-Programm. Ihr Engagement ist wirklich merkwürdig. Warum ist Ihrer Meinung nach dieses Programm so wichtig?

V. A. : Ich hoffe, dass ich Ihren Hinweis auf mein Alter als ein Kompliment ansehen kann. Ich beantworte Ihre Frage dahingehend, dass jedes ähnliche Programm auch zum Beispiel für deutsche und polnische Lehrerinnen und Lehrer auch in Zukunft wichtig sein wird, um Einstellungen und Bewertungen aktueller und historischer Vorgänge mehrperspektivisch beurteilen zu können. Bezogen auf Frankreich bedeutet dies, dass gleiche Strukturen oder Prozesse unterschiedlichen semantischen und klassifikatorischen Kategorien zugeordnet werden können. Falls dies, wie so häufig im Englischen – der lingua franca – erfolgt, wird eine neutrale und keine kultur- und sprachspezifische Verständigungsebene erreicht. Die Lehrerinnen und Lehrer mit der Fächerkombination Histoire/Géo sind ideale Multiplikatorinnen und Multiplikatoren, deshalb ist das sehr sprachenorientierte und unterrichtspraktische Programm wichtig.

R. A. : Sind Sie optimistisch in Bezug auf die Weiterentwicklung dieses Programms ? 

V. A. : Am 11.02.  fand im Büro Paris des DAAD eine Gesprächsrunde zur Situation und zukünftigen Weiterentwicklung des PEA pour professeurs d´histoire et géographie statt unter Teilnehme von Christian Thimme, Direktor des DAAD France, Kilian Quenstedt, chargé du programme PEA, Valérie Lemarquand, attachée universitaire, ambassade de France en Allemagne, Michel Tarpinian, ministère de l`Enseignement Superiéur et de la Recherche, Thilo Karger, Fachleiter Französisch am Studienseminar für Gymnasien in Frankfurt am Main, Zeinabou Bakayoko, stagiaire au DAAD France und mir.

Es wurde beschlossen, so bald wie möglich, das Programm sowohl für professeurs titulaires als auch für professeurs-fonctionnaires-stagiares-étudiants auszuschreiben. Für die erste Gruppe sollte ein Aufenthalt in Frankfurt von einem Monat anvisiert werden, für die letztere Gruppe eine Aufenthaltszeit von zwei bis drei Monaten. Dies würde für Frankfurt neue organisatorische und inhaltliche Herausforderungen bedeuten. Bis zur Installierung dieses neu angedachten Programmes würde ich weiterhin tätig sein.