La Révolution française aux Antilles : pistes pour l’enseignement en contexte franco-allemand.

Morwenna Coquelin

Les documents sont mis en ligne à part : https://revue-abibac.fr/2021/12/05/revolution-francaise-aux-antilles-documents/

Les conséquences de la Révolution française dans les colonies et la révolution de Saint-Domingue en particulier constituent un angle mort de la mémoire et de l’histoire scolaire de la Révolution française, dont le grand récit reste centré sur les événements en métropole et même sur les événements parisiens, prise de la Bastille en tête[1]. Le seul exemple que j’ai repéré dans les manuels 2019 est une page du manuel de Première Hatier, portant sur les commémorations de l’abolition de l’esclavage en France, qui signale certes la lenteur des délais entre la décision du 27 avril 1848 à Paris et sa connaissance dans les colonies, et les dates de commémorations différentes qui s’ensuivent, mais ne fait aucune référence à Haïti ou à la première abolition de 1794. Ce silence fait d’ailleurs écho au silence remarqué d’E. Macron lors de la dernière cérémonie du 10 Mai, date de commémoration de l’esclavage[2].

Pourtant, l’idée de « révolutions atlantiques » n’est pas récente[3], et l’on gagne beaucoup à élargir l’enseignement de la Révolution à ces événements des Antilles. Outre l’approfondissement et l’enrichissement, la densification, de l’enseignement de la Révolution, cela permet aussi de poursuivre ou d’introduire des thèmes étudiés dans les chapitres portant sur l’expansion européenne au XVIe s., les Lumières, la colonisation puis la décolonisation ; on peut aussi ancrer historiquement des situations observées en géographie ; c’est un moyen d’introduire la question de l’histoire connectée ; cela fait enfin écho à des débats qui traversent la société actuelle. Les élèves sont souvent très sensibles à ces questions, et par ailleurs il est important de pouvoir leur proposer une explication non partisane de termes fréquemment utilisés dans les médias sans explication ni mise en contexte, comme « décolonial/post-colonial », « intersectionnalité » ou « anthropocène/plantacionocène », ou encore « race » entendu comme construit social, ce qui fonctionne souvent mieux et avec moins d’affect que lors d’un cours qui serait spécifiquement tourné sur ces débats. L’histoire de Saint-Domingue est d’ailleurs exemplaire pour montrer la construction et l’invention de catégories raciales essentialisantes bien éloignées de la réalité sociale complexe dans laquelle on peut au contraire articuler les catégories de race, de classe, de nation, et retrouver les mécanismes de leur construction par les acteurs.

Les répercussions de la Révolution française aux Caraïbes et la révolution haïtienne plus particulièrement sont ainsi l’occasion de faire converger un discours scientifique et une attente sociale qui peut être exprimée par les élèves ; c’est aussi l’occasion de montrer que les dominés ne sont pas pour autant passifs. 1791 et 1794 sont deux moments-clés qui permettent de bien montrer que l’abolition de l’esclavage est le fruit de l’action des dominés autant que des abolitionnistes. Rendre aux premiers leur agentivité vise aussi à sortir d’une approche victimaire. Ces moments ne sont pas stricto sensu dans les programmes d’histoire français mais peuvent être abordés en lien avec un cours sur les Lumières, en Seconde, autour par exemple de la Société des Amis des Noirs, ou sous forme d’Exkurs en Première en complément du cours sur la Révolution française. Ils s’insèrent également dans le programme d’EMC, portant sur la liberté en Seconde et sur le lien social en Première. Cela permet aussi de questionner l’universalisme affiché sous les Lumières ou la Révolution.

L’article propose une présentation des événements et de leurs enjeux, associée à des documents regroupés en annexe, qui peuvent servir à en cours en contexte tant francophone que germanophone[4]. Ces documents sont littéraires et artistiques autant qu’historiques, de sorte que le thème peut être aussi travaillé en cours d’allemand ou de façon croisée. En contexte francophone, les textes sont évidemment nombreux et variés, ce qui permet aussi de s’ajuster au niveau des élèves. Outre les documents historiques, je propose ici un roman de Marie Vieux-Chauvet, en faisant le choix de renvoyer, pour les textes francophones, de préférence à une autrice haïtienne, afin aussi de véritablement sortir d’un regard européano-centré et surplombant. Rendre leur agentivité aux populations dominées passe aussi, me semble-t-il, par le choix de textes produits par ses populations ou leurs descendants.

En allemand, les textes historiques accessibles sont moins nombreux. Il existe un témoignage rédigé dans les années révolutionnaires et montrant le point de vue d’un Allemand résidant à Paris, et ce qu’il reçoit et comprend (pas grand-chose) des événements de Saint-Domingue et des débats sur l’abolition de l’esclavage, mais malheureusement le texte ne se trouve qu’à la BnF qui ne le communique pas en ce moment (von Archenholtz, 1792-1812). On peut recourir aux documents iconographiques et aux cartes, qui ont aussi l’avantage d’être plus facilement accessibles à des élèves un peu fragiles en langue ; surtout, on peut compenser par des textes littéraires qui permettent aussi d’aborder la question en cours de langue et littérature.

On peut citer Die Verlobung in St. Domingo de Kleist, qui prend la révolution des esclaves haïtiens de 1804 comme modèle du combat contre Napoléon[5]. La nouvelle date de 1811, l’année d’une défaite militaire de Napoléon à St-Domingue. La trilogie haïtienne de Hans Christoph Buch, en particulier les deux premiers, peut probablement aussi fournir des passages intéressants à étudier – je n’ai pas pu le consulter[6]. Pour des raisons d’accès aux documents, mais pas seulement, j’utiliserai dans la suite d’autres œuvres. J’ai choisi en effet des extraits d’œuvres produites en RDA, considérant que cette littérature était peut-être moins fréquemment proposée aux élèves[7], et surtout que la perspective des auteurs, en l’occurrence deux communistes, résonnait particulièrement avec le thème de la révolution des esclaves, compris comme émancipation et construction de la liberté et de soi comme acteur politique.

J’ai sélectionné des extraits de plusieurs nouvelles ou courts romans qu’Anna Seghers (1900-1983) a consacré à Haïti et aux Antilles pendant la période révolutionnaire. Seghers a découvert l’histoire de cette île lors de son exil américain pendant la Seconde Guerre mondiale, et entretint toute sa vie des relations avec les auteurs haïtiens ou plus généralement caribéens, en particulier Aimé Césaire. Elle écrivit en 1948 et 1949 Die Hochzeit von Haiti puis Wiedereinführung der Sklaverei in Guadeloupe, complétées en 1960 Das Licht auf dem Galgen[8] pour former le recueil Karibische Gechichten. Dans ce recueil, elle s’intéresse à différents moments de la lutte pour l’abolition : la révolution de Saint-Domingue de 1791 et ses prémices, la situation en Guadeloupe après l’abolition de 1794 et enfin une tentative avortée d’organiser un soulèvement similaire en Jamaïque. Elle explore aussi l’engagement politique et idéologique, la trahison des compagnons de lutte et des idéaux, les petites médiocrités des révolutionnaires, ainsi que le rôle des Noirs dans la lutte. Dans Die Hochzeit…, un homme choisit de rester sur l’île et d’aider les Noirs tant par conviction politique forgée dans les clubs parisiens que par amour pour une jeune esclave. Die Wiedereinfûhrung… montre les tensions post-abolitions dans une société toujours coloniales, ainsi que les divisions entre les Noirs et leurs déceptions. Das Licht… met en scène trois agents de la République chargé de déclencher en Jamaïque une révolution à l’image de celle de Saint-Domingue. Si Dubuisson[9], fils de planteurs anglo-français, se détourne des projets révolutionnaires dès qu’il apprend le coup d’Etat du 18 Brumaire, ses acolytes Galloudec et Sasportas entendent combattre pour la liberté et honorer leurs engagements, ce qui leur vaut la mort.

Sa dernière œuvre est également consacrée à Haïti : dans ce cycle de trois très brèves nouvelles, elle met en scène des femmes mythiques ou ordinaires prises dans les luttes pour l’indépendance et la liberté. Der Schlüssel, la deuxième nouvelle, se déroule pendant la Révolution ; les deux autres lors de la conquête européenne et sous la dictature Duvalier. Dans Der Schlüssel, le personnage féminin fait contrepoint aux révolutionnaires masculins, compagnons d’infortune, et à Toussaint, qui n’apparaît jamais que de très loin depuis sa cellule.

A partir de l’argument de Das Licht auf dem Galgen, Heiner Müller (1929-1995) écrivit en 1979 sa pièce Der Auftrag, en reprenant l’essentiel de la nouvelle, resserrant l’argument autour de la division entre les trois hommes[10] et de la trahison de Dubuisson. Au cœur de la pièce se trouve un intermède mettant en scène un homme seul dans un ascenseur dont le long monologue rend compte d’une autre forme d’oppression, celle de l’entreprise et de la hiérarchie du travail. La pièce a été mise en musique par Heiner Goebbels en 1987 (Der Mann im Fahrstuhl), version qu’on trouve en ligne.

1 – Saint-Domingue avant la Révolution

Les possessions françaises dans la Caraïbes forment depuis 1763 et la perte du Canada l’essentiel de l’Empire colonial français. Elles ont été conservées de préférence aux colonies septentrionales car elles étaient plus faciles à contrôler et surtout car on y produit l’« or blanc », le sucre, ainsi que le café ou le tabac[11]. L’Etat a mis en place le monopole qui régit strictement les relations de commerce entre colonies et métropoles, pour contrôler ces richesses stratégiques : le système de l’Exclusif. Les colonies ne peuvent vendre qu’à la métropole, ne peuvent transformer les productions en produits manufacturés, seule la métropole peut approvisionner les colonies et les navires français sont seuls à pouvoir transporter les objets entre colonies et métropoles et entre les colonies. Bien sûr, la contrebande est active, notamment dans un contexte de concurrence internationale.

  1. L’économie de plantation

Le système d’exploitation coloniale est fondé sur un système d’habitation-plantation ou habitation-sucrerie qui est autant un mode de répartition du foncier – entre les familles de planteurs – qu’un système d’exploitation de la terre fondé sur le travail des esclaves attachés à la plantation – ou plus exactement propriétés des planteurs.

Dans cette économie, le rôle des esclaves est primordial : sans leur travail gratuit, les productions coloniales seraient trop chères et ne rapporteraient pas tant aux colons comme à l’Etat. La traite (doc. 3) assure la fortune des grands ports négriers – Bordeaux, Le Havre ou Nantes en tête. L’économie de plantation est fondée sur l’exploitation du travail humain des esclaves pour la production de ressources agricoles à haute valeur ajoutée (sucre et café en tête – doc. 4). Le groupe esclave le plus important est ainsi constitué des esclaves travaillant aux champs sous l’autorité d’un contremaître blanc. Les conditions de travail sont terribles, les punitions violentes. Le travail n’est pas seulement celui de la culture et de la récolte, mais aussi celui de la transformation en produit exportable, fini ou semi-fini (doc. 5).

Il existe également un autre groupe d’esclave, plus favorisé, celui des esclaves domestiques. Les conditions de travail sont plus douces, sans que les punitions soient moins sévères pour autant. Ces esclaves pouvaient bénéficier d’une relative proximité avec les maîtres, voire avoir accès à une relative éducation que les clercs pouvaient être autorisés par les planteurs à leur dispenser. C’est ainsi que Toussaint Louverture, par exemple, apprit la lecture et l’écriture alors qu’il était un esclave cocher. On voit donc qu’il existait une hiérarchie interne au groupe des esclaves, en fonction de la proximité avec l’habitation et aussi en fonction de la maîtrise d’un art particulier (couture, ferronnerie…).

Les ressources produites sont ensuite exportées vers la métropole où elles sont des produits de demi-luxe auxquels la population accède plus largement au cours du xviiie s. et qu’elle s’habitue à consommer. Ainsi assiste-t-on, en janvier-février 1792, à des révoltes à Dunkerque ou Paris en réaction à l’augmentation du prix du sucre. Dans cette économie, la colonie française de Saint-Domingue constitue la « perle des Antilles » et le joyau de l’Empire colonial français par sa production énorme de café et de sucre : c’est le premier producteur mondial et le territoire qui assure l’essentiel du commerce colonial de la France.

La Révolution française n’interrompt pas, dans un premier temps, la production et la traite qui la permet. Au contraire, on remarque un pic dans la traite entre 1789 et 1791, ce qui explique aussi la révolution des esclaves et leur poids numérique.

2. Composition de la société

Les esclaves sont largement majoritaires dans la société coloniale des Antilles, jusqu’à plus de 10 fois plus nombreux que les colons blancs à Saint-Domingue (doc. 6, 7). Ces esclaves peuvent être des créoles nés sur place ou avoir été transportés plus récemment – on englobe à l’époque ces personnes africaines sous le terme de « Congos », quel que soit le territoire de capture. Cela reflète bien que la majorité des esclaves est d’origine africaine, et vient en fait tout juste de débarquer. On doit aussi mentionner les esclaves marrons – évadés et se cachant, subissant de très lourds châtiments corporels en cas de capture. Le terme « esclaves » renvoie donc à une même réalité juridique mais à une grande diversité de fonctions, de conditions de vie, de langues, d’origine. La nouvelle Der Schlüssel, dans Drei Frauen aus Haiti[12], comporte des extraits facilement exploitables en cours, notamment sur les rapports de domination et de violence entre familles de planteurs et esclaves. Elle met en scène une esclave domestique, ce qui permet aussi de montrer que les esclaves ne travaillaient pas seulement dans les champs de cannes à sucre, et n’étaient pas forcément mieux traités pour autant, même si le labeur quotidien était bien moins éprouvant.

Enfin, il faut mentionner les « libres de couleur », à savoir les affranchis et les descendants d’affranchis, qui pour autant ne pouvaient prétendre à un rang social identique à ce celui des Blancs, quand bien même ils étaient mulâtres (métis). Il suffisait même d’une seule grand-mère esclave pour être libre de couleur et non sujet libre. La classification raciale était raffinée et tenait compte de la moindre goutte de sang noir pour discriminer.

En outre, le groupe des Blancs n’est pas monolithique : à côté des grands planteurs vivote tout un peuple de petits Blancs qui dépend des premiers – ses clients et patrons – qu’il ne peut donc trop ouvertement critiquer (doc. 8). La domination raciale permet également à ces colons pauvres de réaffirmer un statut supérieur malgré la domination économique qu’ils subissent. Tout en bas de l’échelle sociale blanche, on trouve les Juifs (doc. 9).

Le seul prisme racial ne peut donc suffire à expliquer la société coloniale et la révolution haïtienne, qui est bien loin d’une composition binaire Blancs dominants / Noirs esclaves et exploités. Les libres de couleur pouvaient posséder des esclaves et le faisaient ; Toussaint Louverture en posséda jusqu’à 13.

3. Créolisation

La société coloniale n’est donc pas la société de métropole : si les colons reçoivent la mode de Paris et la suivent, avec un certain retard dû à la lenteur de la communication, si le mobilier, les arts de la table, sont européens, l’alimentation et la culture d’agrément sont marquées par la flore locale, le rythme de vie est accordé au climat et les tissus tels que le madras peuvent aussi être utilisés. Les gravures montrent la variété des carnations et la juxtaposition de vêtements européens sur des accessoires et un décor caribéens (docs. 10, 11).

Le terme de société créole rend compte de ces diversités d’origine et de la forme originale qui en sort, du moins là où l’on observe un mélange des traditions, des langues et des religions, à savoir parmi les esclaves et les libres de couleur. La créolisation désigne en effet pour les anthropologues ou les linguistes le processus de création spontanée d’une culture ou d’une langue, à la suite de la fusion de langues variées coexistant sur un territoire. On peut utiliser pour ce versant culturel la figure de Minette, qui permet aussi d’introduire la question de la place et du rôle des femmes dans cette société, au-delà des figures plus attendues de nourrice et de prostituée. Minette, née en 1767 dans une famille libre depuis deux générations, apprit le théâtre auprès d’une actrice blanche à Port-au-Prince avant de monter sur scène pour la première fois en 1780 et de connaître un énorme succès dans la colonie. Sa sœur, Lise, était aussi comédienne.

La vie culturelle est en effet marquée par ses échanges entre des traditions variées, ce qui n’empêchait pas la ségrégation des spectateurs en fonction de leur couleur de peau. On peut citer par exemple Jeannot et Thérèse, une adaptation en créole de l’opéra de Rousseau Le devin du village, transposé dans une plantation peuplée de personnes d’ascendance africaine, tant libres qu’esclaves, et le devin devient un guérisseur né en Afrique. Les premières représentations, en 1758, étaient jouées par des acteurs blancs grimés en noir. On perd sa trace après 1789, pour la retrouver à la Nouvelle-Orléans en 1806, où une représentation caritative est organisée pour elle, peu de temps avant sa mort début 1807. Marie Vieux-Chauvet lui a consacré un roman, La danse sur le volcan, que je n’ai malheureusement pas pu consulter mais qui propose plusieurs scènes utiles pour travailler sur la société haïtienne, soit pour évoquer la révolution (Dubois, 2017).

Une autre façon de faire un travail sur la langue et de façon générale sur les transferts culturels entre métropole et colonie est l’étude de documents musicaux. Il existe en effet des productions musicales haïtiennes inspirées de textes des Lumières. On peut d’ailleurs noter que Minette refusa de chanter ces productions, jouées en général par des acteurs blancs maquillés de noir – blackfaces –, peut-être parce qu’elle voulait marquer, en jouant des pièces d’auteurs européens, une certaine ascension sociale, ou bien parce qu’elle signalait ainsi son opposition à la vision du bon Noir véhiculée par ces auteurs locaux (Dubois, 2017). Lors de la soirée organisée à son bénéfice, elle choisit encore une œuvre européenne, située en Provence, et non une œuvre créole.

Avec des élèves dont la maîtrise du français est très solide, on peut aussi montrer des textes en créoles et fait observer les mécanismes de déformations, plus perceptibles encore à l’écoute. Michel Etienne Descourtilz, médecin connu pour son activité de botaniste et d’historiographe de la révolution haïtienne, composa à la fin de son séjour à Saint-Domingue un opéra, Le dialogue créole, qui contient le premier chant d’amour en créole, un bref duo dont le texte relate les retrouvailles entre deux fiancés et fait l’éloge des qualités morales des Ibos (doc. 12). Outre le travail possible sur la langue, on peut s’appuyer sur la traduction en français pour faire réfléchir les élèves à la caractérisation simpliste des personnes noires, y compris par des gens qui défendaient l’abolition. En effet, Descourtilz a pu utiliser cette musique, donnée dans des salons, pour répandre les idées abolitionnistes. Ce duo montre les circulations culturelles, la vision positive portée ici sur la culture créole par un auteur qui l’intègre à une musique classique « savante », mais aussi les ambiguïtés de cette reconnaissance qui s’accompagne d’une essentialisation des personnages ibos, forcément fidèles, sobres et pétris d’honneur. C’est la même essentialisation que l’on trouve dans le portrait que le député Dufay livre des Noirs devant la Convention en 1794 (cf. infra – doc. 13). Mais dans ce cas, il ne s’agit pas seulement d’un portrait du bon sauvage. Cette essentialisation positive répond à l’essentialisation négative que font les planteurs, lorsqu’ils représentent les noirs comme des bêtes sauvages ayant le goût du sang. Ce portrait positif vise aussi à intégrer les Noirs dans la communauté des citoyens de la République, doté de raisons et de qualités morales.

2 – Antilles et Révolution(s)

  1. Les limites des Lumières et des premiers temps de la Révolution

Une partie des philosophes des Lumières a combattu contre l’esclavage, avec des arguments de différentes natures. Les physiocrates ont des arguments pragmatiques découlant aussi de leur critique du monopole. Les esclaves coûtent cher – à l’achat, en entretien – mais ne consomment rien et n’ont donc aucune incitation positive au travail. Montesquieu, ou l’abbé Raynal dans son Histoire des deux Indes, mobilisent, eux, des arguments moraux. Dans son livre qui connut un grand succès en Europe, l’abbé use d’une stratégie oratoire pour jouer, aussi, sur la crainte d’un soulèvement populaire si l’esclavage n’était pas aboli (doc. 13). L’argument moral est alors couplé à un argument pragmatique, mais d’une autre nature que celui des physiocrates.

La Société des Amis des Noirs, fondée en 1788 et à laquelle appartiennent les futures grandes figures de la Révolution que sont Brissot, Mirabeau, Lafayette ou l’abbé Grégoire, envisage plutôt une abolition graduelle. Les membres de cette Société considèrent en effet qu’il convient de laisser un temps d’adaptation et de transition de l’économie, et de préparer les esclaves. On voit bien que ces derniers sont vus comme de grands enfants qu’il faut guider et accompagner, qu’il faut libérer, non comme des acteurs de leur libération. L’effervescence révolutionnaire est aussi celle des clubs politique ou de l’émergence d’une presse dynamique ; la question de la situation des Noirs n’échappe pas à cette frénésie de débats et de discussion (doc. 14). Les révolutionnaires sont loin d’être unanimes sur le sort des Noirs et la question de l’esclavage : on retrouve dans les différents camps les divisions qui existaient déjà entre les philosophes des Lumières, et l’on peut être révolutionnaire et planteurs. Ces derniers en effet, souhaitent l’abolition du système de l’Exclusif qui les empêche de commercer comme ils l’entendent. Pour autant, ils sont bien évidemment opposés à l’abolition, qui desserviraient leurs intérêts économiques.

L’émancipation apportée par le premier moment révolutionnaire est donc en réalité très limitée (doc. 15) : elle concerne les hommes blancs de métropole avant tout, ce qui ne contrarie d’ailleurs pas l’ensemble de la population noire. Les libres de couleurs en effet apprécient la distinction et la supériorité qu’ils conservent ainsi par rapport aux autres habitants noirs des colonies (doc. 16). L’abolition achoppe surtout sur la question économique, particulièrement dans le contexte hautement concurrentiel des Antilles, où Anglais et Espagnols se tiennent prêts à profiter de la moindre faiblesse des plantations françaises pour établir leur domination.

2. Information et débats

*A Paris :

La presse française connait une période d’effervescence sans précédent dès les débuts de la Révolution, qui est aussi une libération de l’expression et l’apprentissage d’une participation politique (doc. 17). En contexte germanophone, les documents-sources écrits sont plus rares et plus difficiles d’accès, mais permettent aussi d’interroger la diffusion des idéaux révolutionnaires ou leur réception. Il existe néanmoins un texte assez exceptionnel, la Minerva, journal mensuel édité par Johann Wilhelm von Archenholtz (1741 ? – 1812). Cet officier prussien avait déjà résidé à Paris dans les années 1760 et son enthousiasme pour la Révolution le conduisit à y retourner en 1791. Les événements de 1793 lui firent prendre néanmoins plus de distance. Il rédigeait environ le quart du journal et employait pour le reste des littérateurs et militaires ; l’ambition était de proposer « die neueste Geschichte aller Länder soweit sie für das aufgeklärte Volk von Interesse ist ». Le journal rapporte notamment des débats autour de l’abolition et de l’action des représentants des planteurs auprès de l’Assemblée. Malheureusement, il ne m’a pas été possible de le consulter pour cet article.

Les représentants des planteurs à Paris se réunissent, eux, au sein du Club Massiac, véritable lobby colonial, qui leur permet d’obtenir une victoire parlementaire en mars 1790 : 15% des députés ont des propriétés aux colonies. Un comité colonial est créé. On voit bien que les députés étaient autant soucieux de protéger leurs intérêts que de défendre les idéaux de la Révolution.

*Aux Antilles :

L’écho des événements en métropole parvient bien sûr avec retard dans les colonies : il faut plusieurs semaines aux bateaux pour faire la navette entre les Antilles et Paris, où les planteurs disposent de représentants et relais, de même que les libres de couleurs qui ont fondé dès 1789 une société des citoyens libre de couleurs pour obtenir l’égalité politique, qui adresse en vain une lettre aux députés sur la situation à Saint-Domingue (doc. 16).

Les maîtres discutent devant les esclaves, considérant ces derniers comme quantité négligeable incapable d’entendement (doc. 18). Pourtant, ceux qui ont reçu une instruction sont capables de lire et diffuser les écrits des partisans de l’abolition de l’esclavage, ou d’envoyer des lettres aux autorités coloniales (doc. 19). Les planteurs restent inconscients de ces discussions et des réunions entre les représentants des esclaves, moments de tractations et de coordination qui aboutirent à la formalisation d’un plan, le 14 août 1791, sur la plantation Lenormand de Mezy, et à la révolution la semaine suivante, avec un mot d’ordre directement inspiré de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « tout moun se moun », chaque personne est une personne.

3. Les révolutions et révoltes à Saint-Domingue

Le climat social et politique était explosif aux Antilles dès avant la Révolution, où rivalités avec les autres puissances coloniales, puissance des planteurs et afflux massif de nouveaux esclaves formaient une combinaison dangereuse. Les premiers événements de la Révolution française à peine connus dans la Caraïbe, les planteurs blancs se rebellèrent, demandant le durcissement du Code noir jugé trop favorable aux esclaves, et revendiquant leur autonomie politique ainsi que la fin du système de l’Exclusif commercial. Ils menaçaient de suivre l’exemple des colonies américaines tout juste indépendantes, et l’intendant du roi fut chassé. Ces planteurs ne défendaient évidemment pas l’abolition, qui aurait sapé leur pouvoir économique. Il s’agit ici des planteurs blancs : les planteurs libres de couleur, mené par Vincent Ogé, réclamèrent de leur côté l’obtention de la citoyenneté active et prirent les armes en octobre 1790. Ils subirent une lourde défaite, et finirent sur la roue, après avoir été livrés par les autorités espagnoles de Santo-Domingo où ils s’étaient réfugiés. La partie française d’Haïti était alors en proie à une guerre civile entre groupes de planteurs, à la tête de leurs esclaves utilisés comme soldats, et qui finirent par se rebeller.

Leurs revendications étaient variées : réaction contre l’écrasement féroce de la révolution des libres de couleur, reconnaissance de droits humains élémentaires et notamment la fin du châtiment du fouet, mais aussi soutien au roi Louis XVI de plus en plus menacé. Cet engagement royaliste se comprend aisément : les planteurs blancs se présentaient, eux, comme patriotes révolutionnaires, et l’Assemblée nationale ne s’était aucunement préoccupé du sort des esclaves. Ce soulèvement montre bien aussi l’agentivité des esclaves, qui refusèrent de se laisser plus avant instrumentaliser par les élites coloniales.

Le plan fut finalisé en secret par une rencontre des chefs noirs le 14 août, et débuta par une cérémonie à Bois-Caïman le 21 août 1791, véritable hybridation politique entre Révolution française – par un engagement politique clairement situé dans son contexte – et culture africano-créole des Caraïbes – par le sacrifice vaudou d’un porc, sous la conduite du prêtre Dutty Boulkman et de la prêtresse Cécile Fatiman. Ce sacrifice avait un but magique, car en buvant le sang du porc les participants devaient devenir invisibles ; il servait aussi à sceller le lien entre les révoltés. Cécile Fatiman, fille d’une esclave et d’un Corse, fut la belle-sœur du roi Henri Ier (1811-1820) et la femme du général haïtien Jean-Louis Pierrot, président d’Haïti en 1845-1846 (doc. 20 et 21).

La révolution de Saint-Domingue fut d’emblée très violente, notamment car l’un des buts était l’extermination des Blancs. Il convient cependant de nuancer la radicalité de l’affrontement racial : des prêtres blancs combattirent aux côtés des esclaves ; ces derniers étaient caractérisés par une grande hétérogénéité des langues, des origines, de l’ancienneté aux colonies ou des fonctions sur les plantations et les alliances se faisaient avant tout à des échelles très fines, de la paroisse ou de la province. Les premiers succès entrainèrent la radicalisation des actions comme des revendications, les esclaves demandant alors l’abolition. La situation fut connue en octobre 1791 à Paris, où elle fut comprise en termes simplistes suivant le schéma de pensée coloniale et raciste : des sauvages déchainés massacraient des Blancs.

En outre, ces enjeux coloniaux rejouèrent, ou furent exploités, dans des tensions révolutionnaires métropolitaines. Les Feuillants, parti modéré dont plusieurs membres avaient été exclus des Jacobins pour avoir refusé les concessions aux libres de couleurs, se rangèrent ainsi derrière l’un des grands planteurs blancs et alimentèrent la rumeur de bestialité féroce des esclaves. La férocité était pourtant des deux côtés : les révoltés pris étaient décapités et leurs têtes exposées au Cap-Français. Inversement, les Amis des Noirs avaient du mal à soutenir des esclaves violents et surtout royalistes. Là encore, on note que l’image des esclaves est largement tributaire d’un schéma colonial : les esclaves naïfs auraient été dupés par des contre-révolutionnaires. Dans les deux cas, l’agentivité des esclaves leur est dénié. En outre, les Amis des Noirs privilégiaient une abolition graduelle pour ménager les intérêts des planteurs blancs et soutenaient donc une répression brutale de la révolution. Fin 1791, les esclaves n’avaient pas pu prendre Le Cap, mais ils occupaient la plaine du Nord, derrière leurs chefs Jean-François et Biassou. L’intransigeance des colons comme la radicalisation des esclaves empêcha la signature d’une trêve.

3 – Les étapes de l’abolition

  1. La première abolition

A l’Assemblée nationale, les abolitionnistes sont certes majoritaires, mais ils s’opposent à la révolte. Le 4 avril 1792, ils accordent aux libres de couleurs l’égalité avec les Blancs afin d’assurer l’égalité entre les planteurs et de protéger l’économie coloniale. Encore une fois, les intérêts des différentes populations noires ne sont en rien convergents. Cette réponse doit aussi se comprendre dans le contexte des rivalités européennes : les planteurs migrent vers la Grande-Bretagne ou ses colonies, les insurgés vers les possessions espagnoles, donc rejoignent deux territoires ennemis de la jeune République française.

Dans les derniers mois de la monarchie, un premier décret[13] réglant le sort des noirs fait des libres de couleur des citoyens, sans abolir l’esclavage. Trois commissaires civils, Etienne Polverel, Léger-Félicité Sonthonax et Jean-Antoine Ailhaud sont envoyés en juin 1792 à Saint-Domingue pour annoncer la loi et pour rétablir l’ordre sur l’île avec 6 000 soldats (doc. 22). Face à la situation qu’ils découvrent en septembre, les deux premiers estiment qu’il faut accorder l’abolition de l’esclavage, malgré l’opposition du troisième qui considère que cela dépasse leur mandat et leurs compétences, et malgré l’opposition des libres de couleur. Cette opposition est fondée sur la distinction que le procure l’esclavage : distinction économique, car ces planteurs tirent avantage du travail gratuit des esclaves, et distinction juridique et symbolique entre noirs esclaves et mulâtres libres (doc. 23).

Les premières mesures de septembre 1792 (participation des libres de couleur à l’administration, dissolution de l’assemblée coloniale autonomiste…) provoquent la colère des colons blancs : la révolution noire se double d’une révolte blanche. Dès décembre 1792 des émeutes éclatent à Port-au-Prince, reprise en avril, puis au Cap. Cette dernière révolte est matée en juin 1793. L’aide décisive des noirs, intégrés dans l’armée des commissaires, leur vaut affranchissement le 21 juin 1793. Sonthonax, suivant ses convictions et espérant aussi rallier les noirs à la République, décrète le 29 août la double abolition de l’esclavage et du Code noir (doc. 24). Ces décisions, qui vont dans le sens républicain, valent pourtant à Sonthonax et Polverel d’être décrétés hors la loi pour girondisme en juillet.

On trouve un écho des désaccords entre les commissaires dans Das Licht auf dem Galgen, pour une mission d’un autre ordre : après le renversement du directoire le coup d’Etat du 18 Brumaire, faut-il encore suivre les ordres donnés par la République ? Faut-il tout suspendre et attendre les ordres du nouvel Etat ? Si Sasportas est fidèle à la mission initiale et à ses idéaux, Dubuisson se montre plus soucieux de son intérêt et plus calculateur. La question des idéaux et de l’engagement, jusqu’à la mort, se trouve aussi dans Die Hochzeit von Haïti ou dans Dr Schlüssel notamment par l’évocation de Toussaint Louverture.

Sur l’île, la situation n’est pas pacifiée pour autant. D’une part, les anciens esclaves sont mécontents de leur sort. Ils sont forcés de travailler sur les plantations, devenues biens nationaux, ce qui provoque des réactions parfois violentes parmi la population noire. Il faut en effet souligner que l’abolition de l’esclavage n’équivaut pas à une émancipation des Noirs ou à une amélioration de leur condition, et que le régime de travail forcé qui suit rappelle dans les faits grandement l’esclavage. Il se fait au profit d’une aristocratie foncière de couleur qui profite de la hausse du prix du sucre, conséquence de l’abolition et de l’indépendance, qui rend encore plus rentable le système de l’habitation-sucrerie esclavagiste : l’abolition de l’esclavage augmente, paradoxalement, l’intérêt des propriétaires à contraindre les ouvriers agricoles à un travail forcé et leur capacité à le faire.

D’autre part, les Français ne contrôlent en juin 1794, au départ des commissaires, que le Cap et Port-de-la-Paix, et une bande côtière au Sud. Le reste est aux mains des Anglais et des Espagnols.

2. Les députés des Antilles

A Paris, les députés trop liés aux grands propriétaires ont entre-temps été chassés de la Convention, mais également un ardent combattant de l’esclavagisme, Brissot, guillotiné le 31 octobre 1793. Cela nuit aux abolitionnistes qui risquent toujours d’être associés à Brissot – et donc à la guillotine : la Terreur lie aussi les langues.

Une première délégation de Noirs, le 4 juin 1793, reste sans effet malgré le soutien de l’Abbé Grégoire et des Jacobins. En février 1794, Sonthonax envoie une nouvelle délégation, « tricolore » (un Noir, J.-B. Bellay, un mulâtre, Jean-Baptiste Mills, et un Blanc, Louis-Pierre Dufay) pour exposer la situation de l’île et dénoncer le parti colonial, contre-révolutionnaire et traîtres.

Jean-Baptiste Belley, né en 1746 à Gorée, fut déporté comme esclave vers Saint-Domingue. Il fit ensuite partie d’un contingent militaire domingois de couleur envoyé par la France pour soutenir la guerre d’indépendant américaine, où son attitude au combat lui conféra sa liberté et son nom, du latin bellum. Il fut élu député, ainsi que Jean-Baptiste Mills (1749-1806), lors de l’élection de députés organisée dans l’île après l’abolition d’août 1793. Ils arrivèrent en février 1794 à la Convention.

Le portrait peint par Anne-Louis Girodet se trouve souvent dans les manuels, car il est d’une interprétation assez facile : le député, noir, en habit métropolitain typique des bourgeois révolutionnaires, s’appuie sur le buste de l’abbé Raynal, figure de la Société des Amis des Noirs. Le tableau fut peint pour le Salon de 1797 et qualifié par un critique d’« un des tableaux les plus savamment peints », réunissant les « motifs sublimes » de l’abbé Raynal et de la « liberté des nègres ». Belley mourut en 1805.

La délégation est victime d’agressions sur son parcours, qui montrent bien les tensions à l’œuvre. Le député Dufay rapporte ainsi une anecdote selon laquelle un émigré, réfugié à Philadelphie après les révoltes dans la Caraïbe et désireux de se venger des Noirs et de la Révolution, aurait agressé Belley et ses compagnons, et lui aurait violemment rappelé la hiérarchie des races dans la société coloniale (doc. 25). L’anecdote permet de construire la figure de Belley en héros, symbole de la lutte pour l’abolition et l’égalité, mais s’insère également dans la perspective révolutionnaire. En effet, Dufay construit ici le soldat noir en révolutionnaire et républicain engagé, face à des émigrés contre-révolutionnaires et racialistes.

3. Les débats sur l’abolition à Paris

Dufay est colon de fraiche date (vers 1780), époux de la propriétaire d’une sucrerie, poterie et cafèterie, qu’il quitte en 1785 pour retourner en métropole, avant de revenir à Saint-Domingue en 1791. On sait qu’il est Jacobin, mais on ignore son engagement plus précis dans la Révolution : sa seule trace est ce discours de 8 pages, morceau de bravoure rhétorique et politique qui enleva le vote de la Convention.

Avec beaucoup de prudence, pour les rassurer, Dufy présentent aux députés de la Convention une situation qu’ils ignorent largement ou ne connaissent que par les échos déformés du lobby colonial dépeignant une nouvelle Vendée. Il est vrai que la révolution noire à Saint-Domingue est un événement traumatique pour les maîtres, et que les journées de juin 1792 au Cap sont les plus meurtrières de toute la Révolution, faisant entre 3 000 et 10 000 morts, plus les destructions, viols, blessures, etc.

Dufay doit faire comprendre qui est véritablement du côté de la France et des idéaux de la République, et qui n’en a que l’apparence. Pour cela, il représente avec force le combat des commissaires civils contre les colons soulevés, la violence de la lutte entre Noirs et Blancs, celle de l’opposition entre planteurs et esclaves. Dans ce combat, les patriotes sont les Noirs et les planteurs blancs les traitres, à la France par l’alliance avec les Anglais et à la Révolution, car ces aristocrates défendent leurs intérêts de classe (doc. 26). Face à eux, les Noirs héroïques qui, comme les sans-culottes, conquièrent leurs droits et les imposent en combattant pour la République (doc. 27). Dufay entremêle les catégories de race et de classe pour construire des groupes clairement identifiables pour les députés. Pourtant, les esclaves aussi avaient négocié avec les Anglais ou les Espagnols. Il s’agit pour lui de montrer que l’affranchissement était une mesure de bonne politique, pragmatique. Ce faisant, il rend leur légitimité à Sonthonax et Polverel, qui ont par cette mesure apaiser l’île et récompenser des combattants.

Dufay justifie ensuite l’extension de cette liberté à tous les hommes noirs par le décret d’août par le contexte de liesse populaire irrépressible, et à toutes les femmes noires par leur rôle de matrice de la République. Plus encore, les Noirs réclament la preuve de la liberté pour tous et toutes, et donc la citoyenneté sans condition de sexe (doc. 28). Il est remarquable qu’au moment où, en métropole, les clubs féminins sont interdits (octobre 1793), dans les colonies, on revendique l’égalité des droits entre hommes et femmes. On peut mettre le discours en regard avec Der Schlüssel, qui montre les femmes dans l’action révolutionnaire et le souci des Noirs de les libérer aussi.

Dufay rassure ensuite ses collègues : l’affranchissement n’est pas le désordre (les Noirs restent soumis à un régime de travail) ni la ruine (doc. 29). Au contraire, un travailleur libre est plus productif. La contrepartie de l’abolition semble déjà préfigurer l’indemnité demandée en échange de l’indépendance haïtienne.

Il conclut sur la nature bonne et sensible des Noirs et sur l’invention par les Français d’une République à l’image de leur drapeau, tricolore (« Européens, Créoles et Africains »), plus aboutie que la révolution américaine qui a maintenu le système esclavagiste.

L’abolition est donc votée à l’unanimité le 16 pluviôse an II (4 février 1794), sans indemnités aux colons, dans toutes les colonies françaises, et sans moratoire : la France est le premier pays à le faire (doc. 30). L’abolition est notamment célébrée en images. Un dessin de Moncieux rassemble différentes scènes marquantes : Marie Dupré, citoyenne de couleur, qui vient de s’évanouir et se remet[14], les députés domingois qui s’étreignent, la salle explosant de joie. Ce dessin illustre exemplairement la politique de l’émotion qui distingue l’Assemblée [Serna, 2014]. On peut l’opposer à une allégorie plus complexe, qui s’attache à représenter le sens de l’événement pour mieux le glorifier, mais aussi le justifier dans une perspective révolutionnaire (doc. 31). La politique des émotions et l’appropriation des symboles révolutionnaires se lit aussi dans les (ré)écritures de chants proposées par deux citoyennes de couleur pour célébrer l’abolition : la citoyenne Corbin compose une Marseillaise « des citoyens de couleur »[15], et la citoyenne Dubois compose une « L’Union américaine »[16].

4. Les conséquences de l’abolition

L’abolition est étendue ainsi à toutes les colonies françaises, sauf la Martinique, occupée par les Anglais. En effet, la Caraïbe est toujours un lieu de lutte entre les grandes puissances européennes et un espace de construction et d’affirmation de la puissance, par la possession territoriale et par le contrôle des richesses des îles que cela procure (doc. 32). C’est aussi ce contexte qui explique l’abolition, dont les députés ont bien compris l’intérêt pratique pour eux : les anciens esclaves font de bons défenseurs de la République qui les a libérés.

Conséquence politique aussi : si les Noirs deviennent citoyens pour prix de leur engagement républicain, que deviennent les citoyens blancs qui ont trahi la République ? Ils sont déchus de leur citoyenneté pour que les 400 000 noirs le deviennent. La citoyenneté reste exclusive, même si elle s’applique au plus grand nombre. Au même moment sont exclus des Jacobins les membres nobles. La République n’est pas strictement sans distinction de naissance.

Enfin, le lendemain du vote a lieu un autre ébat, tout aussi important bien qu’oublié : que faire contre les attaques visant la liberté ou la citoyenneté d’un citoyen ? Cela répond notamment aux protestations des planteurs qui ont été contraints de renoncer à leur propriété – les esclaves – et voudraient les récupérer. Le député Thuriot, proche de Danton, invente alors un « crime de lèse humanité », construit sur le modèle du crime de lèse-majesté, qui condamne toutes les violations des droits fondamentaux des personnes. En cette année du 20e anniversaire de la loi Taubira faisant de l’esclavage un crime contre l’humanité, il n’est pas inutile de rappeler la profondeur historique de la notion, et qu’elle ne fut inventée ni en 2000 ni en 1945, ou plus exactement qu’elle fut à ces dates l’aboutissement d’un long processus de réflexion commencé lors de la révolution.

Le lobby colonial reste cependant actif, et profite du Directoire pour placer des hommes, notamment au ministère de la Marine, chargé des colonies. Les planteurs exilés continuent parallèlement le combat au côté des Anglais et des Espagnols (docs. 33 et 34). La situation semble leur redevenir favorable avec l’arrivée au pouvoir de Napoléon : certes, il garantit aux Noirs leurs liberté, mais son entourage, à commencer par Joséphine, est largement esclavagiste et lui-même ne peut accepter les ambitions autonomistes de Toussaint Louverture et voudrait un vase empire américain entre Louisiane et Saint-Domingue. Il fait donc sortir cette dernière du droit commun dans la Constitution de l’an VIII pour mieux la contrôler.

Il envoie en décembre 1801 le général Leclerc et 30 000 hommes pour pacifier l’île, mais secrètement pour déporter les officiers noirs, désarmer la population et rétablir l’esclavage. Les buts militaires ne sont pas atteints, mais le rétablissement est annoncé le 20 mai 1802 par la loi maintenant l’esclavage là où il existait encore (Martinique, Mascareignes), et le restaurant en Guadeloupe (doc. 35).

4 – L’indépendance d’Haïti

Saint-Domingue n’est pas concerné par ce rétablissement, car les habitants viennent de conquérir leur indépendance après plusieurs années de lutte.

En effet, depuis le départ des commissaires civils en 1794, l’autorité est exercée par Toussaint Louverture grâce aux victoires de ses troupes (doc. 36). Les commissaires envoyés en 1795, 1797 et 1799, ne peuvent rien faire sans son accord. Il devient général en chef en 1797 et ses quelque 30 000 hommes représentent environ 60% des dépenses de la colonie.

La figure de Toussaint est intéressante à travailler avec les élèves, car elles résument les enjeux et les complexités, voire les contradictions, de la Révolution à Saint-Domingue : ancien esclave devenu propriétaire d’esclaves ; d’abord colonel de l’armée espagnoles contre la Révolution puis soutien de la République. On voit que dans la société coloniale ce qui fonde l’identité, ce n’est pas toujours la couleur de peau, mais aussi la richesse et le statut juridique (libre ou non). Cela se voit aussi par l’étude de système économique promu par Toussaint : la continuation du système de plantation, mais au profit des Noirs, et donc le remplacement des colons blancs par une aristocratie créole dirigeant la masse des cultivateurs pauvre (doc. 37). Le propre neveu de Toussaint, Moyse, entraine un soulèvement des petits paysans du Nord mais finit exécuté.

Toussaint Louverture est central dans la nouvelle Der Schlüssel, bien qu’il n’en soit pas un protagoniste et a fait l’objet de nombreux portraits, en général républicain ou traitant avec les Anglais, dont il obtient en 1798 le départ de l’île, en échange d’accords commerciaux et diplomatiques secrets. Il défait ensuite son rival mulâtre, Rigaud, et reconquiert la partie est de l’île, occupée par les Espagnols : il réalise ainsi la réunification de l’île fin 1801. Il double cette réalisation territoriale d’une réalisation juridique avec la rédaction d’une Constitution en juillet 1801, par laquelle il réaffirme la liberté et l’égalité et instaure un pouvoir législatif, un pouvoir judiciaire et un pouvoir exécutif entre les mains d’un gouverneur général à vie, lui-même. Derrière les belles proclamations de fidélité à la métropole, il construit un Etat, ce qui motive l’intervention militaire décidée par Napoléon.

Ce débarquement en février 1802 rencontre une résistance certaine mais insuffisante, aussi parce que la société noire est divisée. Toussaint Louverture est arrêté et exilé en juin 1802, vers la France où il meurt en avril 1803. Cela ne signifie pas, cependant, la fin de la révolution : les populations noires se soulèvent à nouveau lorsque le général Leclerc entend les désarmer et que les Domingois apprennent le rétablissement de l’esclavage en Guadeloupe. Les généraux noirs de l’armée napoléonienne désertent et rejoignent Dessalines, lieutenant de Toussaint qui l’a remplacé. Les Français capitulent le 18 novembre 1803 (Vertières) et reconnaissent la nouvelle République d’Haïti, proclamée le 1er janvier 1804 : la colonie est devenue indépendante, et les esclaves libres.

Toutefois, cette indépendance n’est pas tranquille. Henry Christophe et Alexandre Pétion s’affrontent pour le pouvoir et provoquent une guerre civile longue (1807-1820) et meurtrière. Les écarts sociaux profonds entre grands propriétaires et petits cultivateurs persistent et s’accentuent, renforçant les tensions (doc. 38). Enfin, la France, qui n’a pu éviter d’accorder l’indépendance, s’attache à la contrecarrer en maniant les armes diplomatiques et économiques. Elle obtient lors du Congrès de Vienne le conditionnement de la reconnaissance officielle du pays à sa propre volonté, et le fait payer fort cher, par des compensations visant à dédommager les colons expropriés. Sans cette reconnaissance, pas de commerce, et donc pas de survie, possibles. En 1825, Haïti paie donc 150 millions de francs, une somme astronomique : c’est un an du budget français. Et pour payer, la jeune République emprunte 30 millions… aux banques françaises, ce qui ouvre une spirale d’endettement et la mène à la quasi-banqueroute. Pour rembourser, la culture du café, produit spéculatif et potentiellement très lucratif, est encouragé, ce qui soumet l’île aux cours mondiaux et entrave aussi le développement agricole et économique harmonieux. Certes, la France accepte de réduire la dette à 90 millions, mais l’île est devenue assujettie à la finance métropolitaine et son développement est à l’arrêt.

En conclusion : paradoxes de l’abolition et mémoires de l’événement

L’expérience haïtienne fut donc un tournant dans la Révolution française, l’infléchissant vers plus d’égalité entre les hommes. L’abolition et la citoyenneté universelle, accordées en 1794, n’étaient pas en germe dans les événements de 1789, mais ne furent obtenues que par la lutte armée menée par les esclaves, qui bénéficièrent aussi du contexte de guerre contre la Grande-Bretagne et des divisions de plus en plus fortes entre révolutionnaires.

C’est aussi le point de départ des abolitions dans le monde : Saint-Domingue une en 1822, les années 1820 pour les Etats d’Amérique centrale, 1829 au Mexique, 1833 dans les colonies anglaises. Ces abolitions décalées provoquaient aussi des fuites d’esclaves depuis les colonies, notamment françaises, où l’esclavage était encore en vigueur. Cela entraine des fuites d’esclaves des colonies françaises. On peut remarquer que sur les territoires continentaux, l’abolition fut décidée après l’obtention de l’indépendance, par des populations libérées de la tutelle coloniale, et peut-être pour souder l’ensemble de la population et fabriquer l’idée de « nation ». Inversement, sur les îles caraïbes, l’abolition est obtenue avant l’indépendance, et même, à l’exception notable d’Haïti, en est déconnectée. L’abolition accordée par les métropoles ne signifiait pour ces dernières ni perte de contrôle ni perte de possession des colonies. Les colonies anglaises de la Caraïbe, par exemple, profitèrent surtout du plus faible intérêt qu’elles suscitaient alors face aux colonies asiatiques en plein développement prometteur. Enfin, le modèle haïtien fut surtout un contre-modèle pour les représentants politiques des autres régions de la Caraïbe, soucieux d’éviter l’embrasement de leur pays, qu’ils fussent ou non en faveur de l’abolition.

Par ailleurs, il faut noter que les conditions de vie des populations affranchies ne changèrent guère : émancipation politique ne signifie pas enrichissement, ascension sociale ou émancipation économique. L’obtention du premier terme de la devise révolutionnaire et républicaine française n’entrainait l’acquisition du deuxième pour les populations affranchies. Ni d’ailleurs pour les nouveaux travailleurs qui les remplacèrent ou les complétèrent, main d’œuvre libre et sous-contrat déplacée d’Asie, dont les conditions de vie et de travail étaient tout aussi inhumaines que celles qu’avaient connues les esclaves. Cela rejoue aujourd’hui autour de la question des réparations à verser aux descendants d’esclaves. La question est particulièrement vive à Haïti, puisque lors de l’abolition ce sont les propriétaires qui ont été indemnisés, car ils perdaient un bien ; on ne considéra pas la réparation morale qui pouvait être due aux esclaves.
Il faut également ajouter que la République haïtienne contracta une dette énorme auprès de la France, pour prix de son indépendance : les 150 millions qu’Haïti accepta de payer en 1825 impliquèrent un emprunt de 30 millions auprès des banques françaises, emprunt qui provoqua la quasi-banqueroute du pays. La France accepta certes un paiement ramené à 90 millions, mais cela n’arrêta pas l’endettement du pays. Toute la production du pays servait à ces versements et l’île devint profondément dépendante des banques et de la finance françaises. L’absence de développement de manufactures aux xviiie s., héritage de l’Exclusif, et l’impossibilité de financer un décollage industriel à cause de la dette, aggravèrent encore la misère du pays.

Enfin, l’esclavage est un élément central dans les identités nationales de la Caraïbes, et en particulier le moment de naissance de la nation haïtienne, deuxième Etat indépendant des Amériques.

En cette année de célébration napoléonienne en France, il n’est pas inutile de s’intéresser à la séquence 1791-1804 en Haïti pour nuancer la figure de l’Empereur, et pour montrer aussi aux élèves à quel point la mémoire collective est une construction sociale qui se distingue de l’histoire (doc. 39). Au pire ambivalent en France, Napoléon est sans contexte un personnage négatif dans la mémoire haïtienne, en raison du rétablissement de l’esclavage en 1802. Et, si Toussaint Louverture est signalé comme « général français » sur la plaque du jardin du XXe arrondissement de Paris portant son nom depuis… mai 2021, c’est une appropriation bien paradoxale, dans la mesure où il combattit la France, fut fait prisonnier et mourut dans une prison métropolitaine. La plaque dévoilée en son honneur au Panthéon en avril 2009 est tout aussi réductrice : associé de façon ambivalente aux grands hommes d’une Patrie qu’il combattit et dont il voulut s’affranchir, il est commémoré pour son combat contre l’esclavage, ce qui fait l’impasse sur son parcours plus complexe.

On peut souligner aussi que Toussaint occulte les autres acteurs de la révolution : Dessalines, plus radical et qui obtint l’indépendance, Henri Christophe, qui devint le premier roi d’Haïti, Alexandre Pétion, président de la République du Sud, Catherine Flon, inventrice du drapeau haïtien, ou Sanité Belair. Ces acteurs, notamment les femmes, sont d’ailleurs occultés parfois en Haïti même, largement tourné vers la seule célébration de la victoire contre Napoléon construit en figure repoussoir. Sanité Belair qui fut sergent puis lieutenant de l’armée de Toussaint Louverture, a certes les honneurs d’un billet (doc. 40), mais c’est la seule femme ainsi distinguée et sur le billet de la plus faible valeur (10 gourdes). On y voit aussi les tensions internes aux révolutionnaires haïtiens : en 1802, avec son mari, elle appela à l’insurrection la population d’une province occidentale d’Haïti, mais leur intervention échoua notamment car Dessalines jugea plus prudent de ne pas les aider. Capturés, ils furent condamnés à être pendus. Le grade militaire de Charles Belair lui valut d’être fusillé, ce que Sanité obtint également, à sa demande. Là encore, la mémoire ne peut être univoque et ouvre en réalité de multiples interrogations et contradictions, comme l’ensemble de ce moment, ce qui en fait la complexité mais aussi la richesse d’étude.

Documents :

Bibliographie sélective

Sources :

Archenholtz Johann Wilhelm von, Minerva, ein Journal historischen und politischen Inhalts, Hamburg, Hoffmann, 1792-1812.

Reinhard Marcel, Lefebvre Georges et Bouloiseau Marc (dir.), Archives parlementaires, de 1787 à 1860. Première série de 1787 à 1799, tome 84 Du 9 au 25 pluviôse an II (28 janvier au 13 février 1794), Paris, CNRS, 1962, p. 268-292.

Petite banque d’images sur la question de l’esclavage pendant la Réovlution : https://www.1789-1799.com/2012/01/abolition-de-lesclavage-le-16-pluviose.html [dernière consultation le 1er juin 2021]

Bibliographie secondaire :

Atlas des Caraïbes, Université de Caen, en ligne : https://atlas-caraibe.certic.unicaen.fr/fr/ [dernière consultation le 1er juin 2021].

Casimir Jean, Une lecture décoloniale de l’histoire des Haïtiens : du Traité de Ryswick à l’occupation américaine (1697-1915), Port-au-Prince, Jean Casimir, 2018. On peut lire une présentation des idées principales dans J. Casimir, La Nation haïtienne et l’Etat, Montréal, Les éditions du CIDIHCA, 2018, p. 87-106, en ligne : https://www.academia.edu/44635292/Une_lecture_d%C3%A9coloniale_de_lhistoire_du_peuple_ha%C3%AFtien_de_1697_%C3%A0_1915 [dernière consultation le 1er juin 2021].

Covo Manuel, « 1791. Plantations en révolution », dans Boucheron Patrick (dir.), Histoire mondiale de la France, Paris, Seuil, 2017, p. 404-408.

Dubois Laurent, Les Vengeurs du Nouveau Monde. Histoire de la révolution haïtienne, Bécherel, Les Perséides, 2005.

Duprat Julie, avec le carnet Noire Métropole, « Les premiers abolitionnistes Noirs en métropole (1789-1794) », carnet L’histoire à la BnF, en ligne : https://histoirebnf.hypotheses.org/9696 [dernière consultation le 1er juin 2021].

Frick Carolyn, Haïti, naissance d’une nation. La révolution de Saint-Domingue vue d’en bas, Bécherel, Les Perséides, 2014.

Serna Pierre, « Que s’est-il dit à la Convention les 15, 16 et 17 pluviôse an II ? Ou lorsque la naissance de la citoyenneté universelle provoque l’invention du « crime de lèse-humanité », dans La Révolution française. Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution française, 7, 2014, en ligne : https://journals.openedition.org/lrf/1208 [dernière consultation le 1er juin 2021].

Toussaint Louverture et l’abolition de l’esclavage, documentaire et livret, CRDP Franche-Comté, 2009 [imparfait mais utile].

Sur Minette :

Dubois Laurent, « Heroines of the Haitian Revolution », Publibooks, 2017, en ligne : https://www.publicbooks.org/heroines-of-the-haitian-revolution/ [dernière consultation le 1er juin 2021].

Sur la mémoire et l’enseignement de l’événement :

Kodjo-Grandvaux Séverine et Kane Coumba, « Les générations actuelles ont la responsabilité de regarder le passé esclavagiste en face », entretien avec Marie-Albane de Suremain, Le Monde, 1er mars 21.

Mesnard Eric, « L’histoire enseignée doit prendre en compte la complexité et la variété des héritages », Le Monde, 10 mai 2021.

Suremain Marie-Albane de et Mesnard Éric (dir.), Enseigner les traites, les esclaves, les abolitions et leurs héritages, Paris, Karthala, 2021.

Arts & littérature :

Dauphin Claude, « Musique : le mémorial sonore de l’abolition autour de trois pièces musicales », colloque du Collège de France « Haïti : littérature et civilisation », 20 juin 2019, en ligne : https://www.college-de-france.fr/site/yanick-lahens/symposium-2019-06-20-11h30.htm [dernière consultation le 1er juin 2021]. Extraits et analyses de trois œuvres haïtiennes portant sur l’esclavage, dont la première est contemporaine de la Révolution.

Müller Heiner, Der Auftrag, 1979, dans Die Stücke, 3, Frankfurt, Suhrkamp, 2002, p. 11-42. Traduit par Jean Jourdheuil et Heinz Schwarzinger, La mission, Paris, Minuit, 1982.

Seghers Anna, Karibische Gechichten, Berlin, Aufbau-Verlag, 1962. Traduit par Claude Prévost, Histoires des Caraïbes, Paris, L’Arche, 1972.

Drei Frauen aus Haiti, Berlin-Weimar, Aufbau-Verlag, 1980, repris dans Werkausgabe: Erzählungen 1967-1980, Berlin, Aufbau-Verlag, 2005. Traduit par Bruno Meur, postface d’Hélène Roussel, Trois femmes d’Haïti, Paris, Le Temps des Cerises, 2014.

Une table ronde autour de ces nouvelles organisée par la Maison Heinrich Heine a été publiée : Roussel Hélène, Meur Bruno, Radvanyi Pierre, « Anna Seghers : Trois femmes d’Haïti. Trois portraits de femmes aux prises avec l’Histoire », dans Allemagne d’aujourd’hui, 2015/1, n°211, p. 157-172, en ligne : https://www.cairn.info/revue-allemagne-d-aujourd-hui-2015-1-page-157.htm [dernière consultation le 1er juin 2021].

Vieux-Chauvet Marie, La danse sur le volcan, Paris, Plon, 1957.


[1] Ce texte n’existerait pas sans les longues et passionnantes conversations avec Manuel Covo, que je remercie pour les pistes qu’il m’a suggérées, ainsi que pour sa relecture.

[2] https://la1ere.francetvinfo.fr/ceremonie-du-10-mai-le-silence-d-emmanuel-macron-est-d-une-grande-violence-1005268.html. Sur l’enseignement de la traite et de l’esclavage dans une perspective comparée, voir Suremain et Mesnard 2021.

[3] Jacques Godechot, Les Révolutions 1770-1799, Paris, PUF, 1963 ; Robert Palmer, The Age of Democratic Revolutions, Princeton UP, 1959 (vol. 1) et 1964(vol. 2).

[4] En raison des difficultés d’accès aux bibliothèques, il ne m’a pas toujours été possible de revenir aux textes pour en sélectionner des extraits. Cela pourra être ajouter sur le site de la revue dans le futur.

[5] Traduit par Pierre Deshusses, Paris, Gallimard, 2001.

[6] Die Hochzeit von Port-au-Prince, Haïti Chérie, Rede des toten Kolumbus am Tag des Jüngsten Gerichts, les trois chez Suhrkamp, 1984, 1990 et 1992, et traduits par Nicole Casanova chez Grasset.

[7] Ce qui est peut-être un préjugé de ma part ! Je remercie Annie Burger de m’avoir signalé la pièce de Heiner Müller, Der Auftrag.

[8] Adapté en film en 1976 par Helmut Nitzschke.

[9] Debuisson dans l’original, de même dans le texte d’H. Müller.

[10] Sasportas devient Noir dans la pièce.

[11] Essentiellement aux XVIIe s.

[12] Le recueil rassemble trois textes très brefs qui raconte trois moments de l’histoire d’Haïti autour de trois figures de femmes qui incarnent la résistance à l’oppression. Toaliina dans Der Versteck, capturée par les Espagnols pour être emmenée à la cour de Madrid mais qui s’enfuit ; Claudine dans Der Schlüssel, esclave libérée qui suivit son époux ; Luisa dans Die Trennung, sous la dictature Duvallier.

[13] Décret du 24 mars 1792 de l’Assemblée législative, puis loi du 4 avril 1792 promulguée par Louis XVI.

[14] L’émotion de Marie Dupré conduit un député proche de Danton à demander la reconnaissance de ses vertus civiques.

[15] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9335x/f164.item.

[16] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9335x/f160.item.