Je
suis partie en Allemagne en fin de seconde pendant trois mois dans le cadre
d’un programme Brigitte Sauzay. J’ai posté une annonce sur le site de l’OFAJ
afin de trouver une correspondante. Après avoir échangé quelques mails et fixé
nos dates, j’ai pris le train pour Kempten alors que je ne savais ni à quoi
ressemblait ma corres’ ni si j’allais arriver au bon endroit. En descendant du
train, je me suis sentie très vite perdue mais heureusement, ma corres’ est
venue vers moi et m’a demandé : « C’est bien toi ma corres’
française ? Comment est-ce qu’on prononce ton prénom ? » Ce
furent les premiers mots qu’on échangea, et bien que je lui aie expliqué
comment bien prononcer mon prénom, elle n’a jamais su le dire correctement,
aucun Allemand d’ailleurs.
Dès que je suis entrée dans la maison, je
me suis tout de suite sentie chez moi. Sa famille m’a très bien accueillie et
je me suis intégrée très facilement. Ses parents s’intéressaient beaucoup à la
France, au français, à ma façon de vivre. J’aidais souvent sa mère, que ce soit
pour cuisiner ou pour jardiner car vivant dans une ferme, la main d’œuvre est
toujours la bienvenue.
Mon premier jour à l’école a été à
la fois surprenant et perturbant. Quand tous les élèves sont entrés en classe
et se sont installés à leur place, le professeur allume une bougie pour réciter
le Morgenspruch. Ensuite, les cours
s’organisent d’une manière bien particulière. Les matières sont enseignées sous
forme d’Epoche, c’est-à-dire qu’elles
sont enseignées deux heures par jour par cycles de trois semaines. Les classes
comprennent peu d’élèves et ne changent pas de la 1ère à la 12e
classe. Les élèves sont donc très proches les uns des autres ce qui permet une
bonne entraide.
En France, notre système est basé
sur la réussite et la compétitivité, l’école de ma corres’ sur un tout autre
fondement. La Waldorfschlule est
fondée sur la philosophie de Rudolf Steiner. Selon lui, l’Homme est un tout. Il
a autant besoin de savoir se servir de ses mains que de son cerveau. Beaucoup
de temps est donc consacré aux travaux manuels. J’ai eu l’occasion d’apprendre
à tricoter, coudre, souder, scier tout en participant à la vie de l’école et à
des projets de classe tels que construire des cabanes pour les plus petits ou
fabriquer des lampes. L’art a également un rôle primordial dans cet
enseignement. Les élèves font beaucoup de poésie, de théâtre, de musique, de
chant, de dessin et d’eurythmie. L’eurythmie est un mélange entre du théâtre,
de la danse et de la méditation qui vise à réfléchir sur son être et à se
sentir bien dans son corps grâce à des mouvements. J’ai par exemple appris à
danser mon prénom et les planètes. La première fois que j’ai assisté à un cours
d’eurythmie, j’ai rigolé toute l’heure tellement ça m’a paru ridicule mais
après y avoir participé, ça m’a tout de suite paru beaucoup plus intéressant et
j’ai compris que c’était bien plus qu’une simple gestuelle.
Ma corres’ habite en Bavière, une
région bien particulière de l’Allemagne. Les traditions sont très ancrées dans
la culture et les Bavarois en sont fiers. Il n’est pas rare de voir des gens
dans la rue habillés de tenues traditionnelles par exemple. L’accent est très
prononcé et beaucoup de personnes parlent le bavarois ou le souabe, même les
plus petits. J’ai donc pu apprendre quelques mots et expressions : en
Bavière, on ne dit pas « Guten Tag »
mais « Grüß Gott », « Wo bist du ? » devient « Wo bisch ? » et « essen » se prononce « essne ».
Partir en Allemagne a été pour moi
bien plus qu’un voyage linguistique. Vivre dans un autre pays pendant trois
mois m’a fait prendre conscience de beaucoup de chose, que ce soit sur moi-même
ou sur la France. Par exemple, j’ai vu une autre façon de voir le monde grâce à
la Waldorfschlule, qui vise à
n’apprendre que l’essentiel, au contraire des écoles françaises où l’on
enseigne des matières beaucoup plus abstraites qui sont inutiles dans la vie de
tous les jours et qui de plus stressent les élèves et ne laissent presque
aucune place aux loisirs. J’ai également appris à être plus tolérante vis-à-vis
des handicapés. Je n’avais rien contre eux auparavant, mais les côtoyer tous
les jours à l’école et faire des activités avec eux m’a fait grandir et j’ai pu
apprécier de les aider. L’Allemagne m’a aussi fait réfléchir sur mes habitudes
alimentaires. Les Allemands sont plus ouverts au végétarisme et au véganisme,
ce qui m’a fait prendre conscience que la viande n’est pas indispensable. Mais
avant tout, ce fut une expérience inoubliable qui m’a permis de rencontrer de
nouvelles personnes, de découvrir une autre façon de vivre et de nouveaux
horizons.